Un instrument toulousain analysera un gaz à la surface de la Lune en 2024

Lors d’un point presse organisé mercredi 28 juin, l’instrument DORN a été présenté par les acteurs du projet, dont Pierre-Yves Meslin, enseignant-chercheur à l’université et responsable scientifique de l’appareil. DORN sera prochainement envoyé à l’agence spatiale chinoise et sera embarqué lors de la prochaine mission lunaire Chang’e 6, prévue pour mai 2024.

DORN (Detection of Outgassing RadoN) est un instrument conçu et proposé par Pierre-Yves Meslin, enseignant-chercheur à l’université Toulouse III – Paul Sabatier, responsable scientifique et spécialiste du radon dans les environnements planétaires, que ce soit sur Terre, sur Mars ou sur Mercure, basé à l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP/OMP – CNES, CNRS, UT3). L’instrument DORN est développé et construit à l’IRAP sous maîtrise d’ouvrage du CNES, à Toulouse. DORN sera livré à l’Agence spatiale chinoise (CNSA) en juillet 2023.

Il sera intégré sur l’atterrisseur de la mission lunaire Chang’e 6. DORN restera sur le sol lunaire pour une durée maximale de fonctionnement de 2 jours terrestres, juste avant le décollage du module de retour d’échantillons. 

DORN est dédié à la mesure du radon, un gaz radioactif produit de façon continue dans le sol lunaire, le régolithe, par la désintégration de l’uranium. Il va mesurer pour la première fois la concentration de radon présent à la surface de la Lune, ce qui permettra d’étudier l’origine de l’atmosphère lunaire (appelée exosphère), en s’intéressant à son dégazage, et d’étudier le transport des gaz dans cet environnement, un environnement très fragile qui sera rapidement perturbé par les missions futures. Il permettra aussi d’améliorer les mesures d’uranium réalisées depuis l’orbite lunaire, et de mieux comprendre le transport de la poussière lunaire.

C’est la première fois qu’une mission lunaire a pour mission de ramener un échantillon de la face cachée de la Lune. DORN restera en revanche sur la Lune, c’est un aller simple pour lui. Pierre-Yves Meslin

Carte d’identité de l’instrument DORN

  • Masse : 4,5 kg
  • Dimensions : 25 cm x 27 cm x 42 cm
  • Equipements : un spectromètre alpha constitué de 16 détecteurs silicium et d’une électronique d’acquisition et de traitement des impulsions
  • Livraison à la CNSA : juillet 2023
  • Responsable scientifique : Pierre-Yves Meslin
  • Responsable technique : King Wah Wong
Crédit : CNES/Frédéric Maligne, 2023

La Lune possède une « atmosphère » extrêmement ténue que l’on appelle une exosphère. Cette exosphère a une durée de vie courte, à cause de son interaction avec le rayonnement UV et avec le vent solaire, qui la chassent rapidement. Ceci implique aussi qu’elle est régénérée en permanence. Elle a trois sources possibles :

  1. le vent solaire (qui apporte hydrogène, hélium, argon, carbone, azote, etc.) et les interactions entre le rayonnement solaire et la surface lunaire (sodium, potassium, eau, méthane, CO2, etc.),
  2. les impacts de météorites qui apportent des espèces volatiles (telles que H2O), qui, comme celles- générées par le vent solaire, peuvent migrer à la surface de la Lune et être piégées au niveau des pôles,
  3. enfin, certains gaz peuvent provenir du dégazage de la Lune elle-même, comme l’hélium-4, l’argon-40 et le radon, produits par la radioactivité de la croûte voire du manteau lunaire.

C’est cette dernière composante que l’instrument DORN étudiera, en mesurant le flux de radon qui s’échappe du sol lunaire, et qui pourra être comparé au flux s’échappant d’autres planètes. La présence de radon dans l’exosphère de la Lune peut aussi fausser les mesures d’uranium effectuées depuis l’orbite. Les mesures faites par DORN permettront donc d’améliorer les mesures de cet élément qui, de par sa radioactivité, joue un rôle majeur dans l’évolution thermique de la Lune.

Enfin, DORN mesurera le polonium formé par la désintégration du radon et implanté sur la surface lunaire. La quantité de polonium qui a pu s’accumuler à la surface de la Lune dépend de la vitesse de brassage de la poussière lunaire. La mesure du polonium permettra donc de contraindre l’importance des phénomènes de lévitation de cette poussière.

Crédit : CNES/Frédéric Maligne, 2023

Dates clés 

  • Lancement : mi-2024 
  • Date et lieu d’atterrissage : quelques jours après le lancement, et après quelques jours en orbite autour de la Lune, atterrissage dans le bassin Pôle Sud-Aitken (SPA) sur la face cachée de la Lune, vers 43°S de latitude.
  • Durée de la mission Chang’e 6 : 1 mois, dont 48 h à la surface de la Lune 
  • Durée de l’expérience DORN : 30 h à la surface de la Lune + quelques dizaines d’heures de mesures pendant la croisière et en orbite autour de la Lune.

Ressources complémentaires

Contact IRAP

  • Pierre-Yves Meslin, Pierre-Yves.Meslin@irap.omp.eu

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