Nouvelles observations de Fermi : découverte d’une nouvelle binaire gamma

Des observations du télescope spatial Fermi ont permis à une équipe internationale menée par le NASA Goddard Space Flight Center (GSFC) et comprenant des chercheurs français de l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (CNRS/Université Grenoble Alpes) et de l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (CNRS/Université Toulouse Paul Sabatier) de découvrir la première binaire gamma dans une autre galaxie, la plus lumineuse jamais observée. Ce système, nommé LMC P3, est composé d’une étoile de plusieurs dizaines de fois la masse du soleil et d’un objet compact pouvant être une étoile à neutrons ou un trou noir. Il est à l’origine d’une émission cyclique de rayonnement gamma, la forme la plus énergétique de la lumière, plusieurs milliards de fois plus énergétique que la lumière visible.

LMC P3 se trouve au centre d’un reste de supernova, dans le grand nuage de Magellan, une galaxie proche de la nôtre. LMC P3 a été découvert grâce à une étude détaillée de l’émission gamma de cette galaxie ayant déjà amené la découverte du pulsar gamma le plus puissant connu1. L’équipe de Robin Corbet de la NASA démontre que la nature de LMC P3 est un système binaire dont l’émission radio, X et gamma est modulée sur la période orbitale de 10.3 jours.

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LMC P3 (entouré sur l’image) se trouve au centre d’un reste de supernova, appelé DEM L241 dans le grand nuage de Magellan, une petite galaxie à plus de 160 000 années-lumière. Crédits : NASA Goddard Space Flight Center (GSFC)

Seuls cinq systèmes de ce type, émettant essentiellement du rayonnement gamma, sont connus dans notre galaxie. L’énergie des binaires gamma proviendrait de la rotation rapide d’une étoile à neutrons magnétisée, c’est-à-dire un pulsar. La rotation du pulsar permet d’accélérer des particules dont certaines s’échappent et forment un vent se propageant à une vitesse ultra-relativiste. Ce vent issu du pulsar va entrer en collision avec le vent de l’étoile compagnon et former un front de choc où les particules vont être accélérées à des énergies encore plus élevées. Dans une binaire gamma, la lumière de l’étoile compagnon vient éclairer ces particules et est diffusée en rayonnement gamma. La diffusion est plus ou moins intense suivant l’orientation du système par rapport à nous, tout comme un miroir produit un flash de lumière réfléchie quand il est bien orienté par rapport au Soleil et à l’observateur. Ces objets sont donc précieux car les variations du rayonnement gamma associées au mouvement orbital donnent des renseignements uniques sur les processus physiques extrêmes qui sont en jeu autour des pulsars.

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Observations de Fermi (courbe en violet). LMC P3 est un système binaire dont l’émission radio, X et gamma est modulée sur la période orbitale de 10.3 jours. Crédits : NOAO/CTIO/MCELS, DSS

Cette découverte est intéressante à deux titres. D’une part, la position de la binaire au centre d’un reste de supernova donne une indication de l’âge du système, environ 100 000 ans. Seule une étoile à neutrons avec une rotation initiale exceptionnellement rapide (moins de 20 ms pour faire un tour sur elle-même) serait alors à même de réconcilier cet âge avec le rayonnement gamma observé. D’autre part, il est étonnant d’avoir découvert un tel système dans une autre galaxie avant même d’en avoir trouvé de plus nombreux exemples dans notre galaxie. Cela suggère que ces systèmes sont très rares et que seuls les plus puissants émettent en gamma. La compréhension de ces objets d’exception passe par des observations à des énergies encore plus élevées, notamment grâce au système de télescopes au sol H.E.S.S., installé en Namibie, qui devrait être en mesure de détecter LMC P3 et sa modulation orbitale. D’ici quelques années, l’observatoire CTA (Cherenkov Telescope Array) permettra de sonder plus profondément notre Galaxie et peut-être de découvrir de nouvelles binaires gamma.

Ces travaux ont notamment reçu le soutien financier du CNES et du CNRS.

Note(s):

1-Lire le communiqué de presse du CNRS, le 12 novembre 2015 « Détection du premier pulsar gamma extragalactique »

Ressources complémentaires

Contact IRAP

  • Pierrick Martin, IRAP (CNRS/Université Toulouse Paul Sabatier), pierrick.martin@irap.omp.eu, 05 61 55 76 22

Auteur : CNRS-INSU

Date : 17/10/2016

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