Détection de vastes halos de lumière autour de quasars distants

Une équipe internationale d’astronomes en partie composée de chercheurs de l’IRAP (Université Paul Sabatier de Toulouse & CNRS) a détecté la présence de nuages de gaz lumineux autour de quasars distants. Ce nouveau sondage effectué par l’instrument MUSE qui équipe le Very Large Telescope de l’ESO suggère que de tels halos sont plus fréquents qu’attendu. En outre, les halos découverts dans le cadre de ce sondage arborent des propriétés en désaccord total avec les théories actuelles de formation des galaxies au sein de l’Univers jeune.

Une collaboration internationale d’astronomes, pilotée par un groupe de l’ Institut de Technologie de la Fédération Suisse (ETH) basé à Zurich, Suisse, a utilisé le potentiel d’observation inégalé de l’instrument MUSE installé sur le Very Large Telescope (VLT) à l’Observatoire de Paranal de l’ESO, afin d’étudier le gaz qui entoure de lointaines galaxies actives, âgées de moins de deux milliards d’années après le Big Bang. Ces galaxies actives, baptisées quasars, abritent en leurs cœurs des trous noirs supermassifs connus pour absorber les étoiles, le gaz, et toute autre matière, à un rythme effréné. S’ensuit l’émission, par le centre galactique, d’intenses rayonnements. De sorte que les quasars constituent les objets les plus brillants et les plus actifs de l’Univers.

Cette étude a porté sur 19 quasars, sélectionnés parmi les plus brillants observables au moyen de MUSE. Des études antérieures ont montré que 10% environ de l’ensemble des quasars étudiés alors étaient entourés de halos constitués de gaz du milieu intergalactique. Ces halos s’étendent sur près de 300 000 années lumière, en périphérie des quasars. En détectant la présence de vastes halos autour des 19 quasars observés – soit bien plus que les deux halos statistiquement attendus, cette nouvelle étude a créé la surprise. L’équipe attribue ce résultat d’observation au formidable bond technologique que représente l’instrument MUSE, et donc à son pouvoir de résolution nettement supérieur à celui des instruments antérieurs de semblable facture. Des observations plus poussées permettront, à l’avenir, d’accréditer ou non cette hypothèse.

“Il est encore trop tôt pour attribuer ce résultat à notre nouvelle technique d’observation ou à notre échantillon de quasars. Il nous reste donc beaucoup à apprendre ; nous sommes au tout début d’une nouvelle ère de découvertes” déclare Elena Borisova, principal auteur de l’étude et membre de l’ETH Zurich.

Sur cette mosaïque figurent 18 des 19 quasars observés par une équipe internationale d’astronomes pilotée par l’ETH Zurich, Suisse. Chacun des quasars observés est entouré d’un halo gazeux et lumineux. C’est la toute première fois qu’un sondage de quasars atteste de l’existence de halos si lumineux autour de l’ensemble des quasars observés. Cette découverte a été permise par l’instrument MUSE qui équipe le Très Grand Télescope de l’ESO. Crédit: ESO/Borisova et al.

Cette étude avait pour objectif initial d’analyser les composants gazeux de l’Univers à grande échelle – une structure parfois baptisée toile cosmique, dont les quasars constitue les brillantes intersections [1]. Les composants gazeux de cette toile sont généralement extrêmement difficiles à détecter. Les halos de gaz lumineux qui entourent les quasars offraient donc l’opportunité quasi unique d’étudier le gaz qui compose cette structure cosmique à grande échelle.

Les 19 halos nouvellement détectés sont composés de gaz intergalactique relativement froid – de l’ordre de 10 000 degrés Celsius, ce qui constitue une autre surprise. Ce résultat est en effet en désaccord profond avec les modèles actuels de structure et de formation des galaxies qui suggèrent que le gaz situé à si grande proximité de galaxies devrait arborer des températures pouvant attendre le million de degrés.

La découverte témoigne de la capacité de l’instrument MUSE à observer ce genre d’objet [2]. Sebastiano Cantalupo, co-auteur de l’étude, se montre très enthousiaste vis à vis de ce nouvel instrument et des opportunités qu’il offre : “Nous avons exploité les capacités uniques de MUSE dans le cadre de cette étude, ouvrant la voie à des sondages ultérieurs. Combinée à l’utilisation d’une nouvelle génération de modèles théoriques et numériques, cette approche continuera d’ouvrir une nouvelle fenêtre sur la formation de la structure cosmique ainsi que l’évolution galactique.”

Notes

[1] La toile cosmique désigne la structure de l’Univers à l’échelle la plus vaste qui soit. Elle se compose de minces filaments de matière primordiale (principalement du gaz d’hydrogène et d’hélium) et de matière noire qui relient les galaxies entre elles et comblent le vide qui les sépare. La matière dont est constituée cette toile peut alimenter les galaxies, gouverner leur croissance et leur évolution.

[2] MUSE est un spectrographe de champ intégral qui combine des capacités de spectrographie et d’imagerie. Il peut observer des objets astronomiques étendus dans leur intégralité et déterminer, pour chaque pixel, l’intensité de la lumière émise en fonction de sa couleur ou longueur d’onde.

Plus d’informations

Ce travail de recherche a fait l’objet d’un article intitulé “ Ubiquitous giant Lyα nebulae around the brightest quasars at z ~ 3.5 revealed with MUSE”, à paraître au sein de la revue Astrophysical Journal.

L’équipe est composée de Elena Borisova, Sebastiano Cantalupo, Simon J. Lilly, Raffaella A. Marino et Sofia G. Gallego (Institut d’Astronomie, ETH Zurich, Suisse), Roland Bacon et Jeremy Blaizot (Université de Lyon, Centre de Recherche Astrophysique de Lyon, Saint-Genis-Laval, France), Nicolas Bouché (Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie, Toulouse, France), Jarle Brinchmann (Observatoire de Leiden, Leiden, Pays-Bas; Institut d’Astrophysique de Ciências do Espaço, Porto, Portugal), C Marcella Carollo (Institut d’Astronomie, ETH Zurich, Suisse), Joseph Caruana (Département de Physique, Université de Malte, Msida, Malte; Institut de Sciences Spatiales & d’Astronomie, Université de Malte, Malte), Hayley Finley (Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie, Toulouse, France), Edmund C. Herenz (Institut Leibniz dédié à l’Astrophysique de Potsdam, Potsdam, Allemagne), Johan Richard (Université de Lyon, Centre de Recherche Astrophysique de Lyon, Saint-Genis-Laval, France), Joop Schaye et Lorrie A. Straka (Observatoire de Leiden, Leiden, Pays-Bas), Monica L. Turner (Centre d’Astrophysique et de Recherches Spatiales MIT-Kavli, Massachusetts Institute of Technology, Cambridge, Massachusetts, Etats-Unis), Tanya Urrutia (Institut Leibniz dédié à l’Astrophysique de Potsdam, Potsdam, Allemagne), Anne Verhamme (Université de Lyon, Centre de Recherche Astrophysique de Lyon, Saint-Genis-Laval, France), Lutz Wisotzki (Institut Leibniz dédié à l’Astrophysique de Potsdam, Potsdam, Allemagne).

Contacts IRAP

  • Nicolas Bouché, nicolas.bouche@irap.omp.eu
  • Hayley Finley, hayley.finley@irap.omp.eu

Auteur : ESO

Date : 26/10/2016

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