Etudier en laboratoire les grains interstellaires grâce à un anneau de stockage électrostatique

Etudier en laboratoire les grains interstellaires grâce à un anneau de stockage électrostatique

Des physiciens ont développé un anneau de stockage électrostatique, dont la taille n’est que de quelques dizaines de centimètres, afin d’étudier en laboratoire les propriétés des grains interstellaires ou de grosses molécules carbonées. Ce dispositif permet de conserver ces particules assez longtemps pour reproduire les conditions extrêmes de vide et de basse température qui règnent dans les milieux astrophysiques.

Figure ci-contre : « Miniring ». La visualisation de la trajectoire du faisceau a été obtenue en injectant de l’azote dans l’enceinte à vide.

La couleur bleue provient de la désexcitation de l’azote. (crédit photo montage G. Montagne)

Pour isoler la matière de toute perturbation extérieure, les chercheurs stockent les particules élémentaires dans des anneaux de stockage et piègent ions ou molécules dans des dispositifs électrostatiques ou magnétiques. Ces dispositifs sont néanmoins inadaptés dès que le rapport masse sur charge des molécules ou particules piégées devient trop important. Pour cette raison, les physiciens développent depuis quelques années un nouveau type d’anneau de stockage entièrement électrostatique permettant de conserver des particules sans limite de masse. Les physiciens lyonnais de l’Institut Lumière Matière – ILM (CNRS / Univ. Lyon 1) viennent de concevoir et de réaliser un tel instrument, appelé « Miniring », qui se singularise par sa petite taille, quelques dizaines de centimètres, un coût relativement faible, ce qui le rend abordable pour un grand nombre de laboratoires, et cela sans sacrifier les performances techniques, telle que la dispersion angulaire et énergétique des particules stockées. D’autre part, en collaboration avec un chercheur de l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie – IRAP (CNRS / Univ. Toulouse 3), cet instrument vient de permettre aux scientifiques d’obtenir de nouveaux résultats sur le refroidissement radiatif de l’anthracène. Ceci ouvre de nouvelles perspectives sur la compréhension de la durée de vie et la taille critique des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) en milieu interstellaire. Ce travail fait l’objet d’une publication dans la revue Physical Review Letters.

 

Figure ci-dessus : Schéma de l’anneau de stockage « Miniring »

Lorsque l’on souhaite conserver des particules dans un anneau, l’une des difficultés majeures à régler est la focalisation du nuage de particules : comment faire pour qu’au fur et à mesure des tours effectués, le nuage de particules stockées ne s’étale pas et que la dispersion en vitesse soit minimale ? Pour résoudre ce problème, les physiciens lyonnais ont choisi une géométrie bien particulière : les particules piégées font des allers-retours entre deux miroirs électrostatiques distants d’une trentaine de centimètres prenant à l’aller et au retour deux chemins courbes distincts et séparés d’une dizaine de centimètres au milieu de l’instrument. De forme conique, les miroirs électrostatiques choisis par les chercheurs focalisent les particules qui se réfléchissent dans les deux directions alors que les déviateurs cylindriques habituellement utilisés n’agissent que dans une seule direction. Grâce à cette astuce, le nombre de dispositifs focalisants à insérer sur le trajet du faisceau est considérablement réduit, ce qui permet d’avoir un anneau très compact : ceci facilite le refroidissement – prévu jusqu’à 4 kelvin – et permet d’obtenir un très bon vide sans avoir besoin d’un budget conséquent…

Grâce à cet instrument, les chercheurs ont stocké et étudié des ions anthracène C14H10+, des hydrocarbures aromatiques polycycliques qui se trouvent dans une partie du milieu interstellaire. Après avoir excité cette molécule avec un faisceau laser, ils ont mesuré une durée typique de refroidissement de l’ordre d’un centième de seconde. Ce refroidissement est près de cent fois plus rapide que ce qui est attendu du refroidissement par émission de rayonnement infrarouge par des transitions vibrationnelles. Ce nouveau mécanisme de refroidissement, qu’ils attribuent à l’émission d’électrons excités thermiquement, pourrait avoir des implications en astrophysique et permettre de mieux comprendre la durée de vie et la taille critique des hydrocarbures aromatiques polycycliques dans le milieu interstellaire. L’anthracène, molécule carbonée de petite taille, est une première étape. L’équipe souhaite maintenant étudier le refroidissement d’hydrocarbures de grande taille et même de petits grains.

En savoir plus

 :  Fast radiative cooling of anthracene observed in a compact electrostatic storage ring, S. Martin1, J. Bernard1, R. Brédy1, B. Concina1, C. Joblin2, M. Ji1, C. Ortega1 et L. Chen1, Physical Review Letter (Phys. Rev. Lett. 110, 063003 (2013)

Chercheur IRAP impliqué : Christine Joblin (christine.joblin@irap.omp.eu)

Auteur : CNRS-INP

Date : 11/03/20132013/03/11

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