Découverte de l’émission simultanée d’une onde gravitationnelle et de photons Gamma par un système binaire d’étoiles à neutrons en coalescence

Pour la première fois, une onde gravitationnelle (GW170817) a été détectée simultanément (à 2 secondes près) avec une émission de photons sous la forme d’un sursaut gamma de courte durée (GRB170817A). L’onde gravitationnelle a été détectée par LIGO (Advanced Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) et Virgo, le sursaut gamma par le Gamma-ray Burst Monitor (GBM) du satellite FERMI et par le spectromètre SPI sur la mission INTEGRAL. Ces détections indépendantes permettent d’identifier cet évènement avec la coalescence (fusion) (1) de deux étoiles à neutrons.

Figure ci-dessus adaptée de la figure 1 de la publication ‘GRAVITATIONAL WAVES AND GAMMA RAYS FROM A BINARY NEUTRON STAR MERGER: GW170817 AND GRB 170817A’ par les collaborations Ligo-Virgo, FERMI/GBM et INTEGRAL. (cliquez pour agrandir) : La détection multi-messagers de GW170817 (l’onde gravitationnelle) et GRB 170817A (le sursaut gamma court). De haut en bas : Signal reçu par l’instrument FERMI/GBM pour GRB 170817A, entre 10 and 50 keV. La même chose, pour une bande en énergie plus élevée (entre 50 et 300 keV)
Signal reçu par les détecteurs du blindage du spectromètre INTEGRAL/SPI entre environ 100 keV et 80 MeV. Spectrogramme de GW170817 obtenu avec les données de LIGO-Hanford et LIGO-Livingston. La courbe en jaune-vert montre l’augmentation du signal reçu à des fréquences de plus en plus élevées, quand les deux objets se rapprochent en spiralant l’un autour de l’autre de plus en plus vite, jusqu’à la coalescence finale.

Cette découverte est d’une importance majeure pour la physique fondamentale et l’Astrophysique.

  1. Elle a permis d’associer une onde gravitationnelle avec un « objet astrophysique ».
  2. Elle confirme que les sursauts gamma courts peuvent être produits lors de coalescences d’étoiles à neutrons (comme prédit par de nombreux modèles).
  3. Cette détection « simultanée » permet de mesurer, pour la première fois, la vitesse de propagation de l’onde gravitationnelle, donnant une valeur très proche de (voire identique à) celle de la lumière.
  4. Elle apporte de nouvelles contraintes sur le principe d’invariance de Lorentz (2) et le principe d’équivalence (3). Tous deux sont des tests cruciaux pour la théorie de la Relativité Générale.

Dans un second temps, ces détections concordantes ont déclenché des campagnes d’observations dans tous les domaines de longueurs d’onde, qui ont elles-mêmes apporté de nombreux résultats inédits sur les suites de cette fusion d’étoiles.

L’objet résultant a été tout d’abord identifié en optique, infra-rouge, ultra-violet, puis, quelques jours plus tard, en rayons X et enfin en radio.

Ces émissions « différées » proviennent d’une « kilonova » (similaire à une petite supernova). Elles sont dues à la dissipation de l’énergie libérée pendant cet événement extrêmement violent et témoignent des processus qui en découlent (décroissance radioactive d’éléments lourds créés pendant ou juste après la fusion, accélération de particules sous forme de jet, interaction avec le milieu environnant…).

Pour la première fois, les physiciens et astrophysiciens ont des observations déterminantes pour la compréhension, à la fois, des étapes suivant la coalescence de deux étoiles à neutrons (quel objet est créé ? que devient-il ?), des mécanismes de production des sursauts gamma courts et de la connexion de ces deux phénomènes.

On voit ici toute l’importance et la puissance de ce nouveau mode d’observation apporté par les détecteurs d’ondes gravitationnelles. Leur utilisation couplée aux observatoires traditionnels de l’Astrophysique ouvre un champ de découvertes immense.

Notons aussi l’intérêt majeur des observatoires spatiaux : l’atmosphère de notre planète est totalement opaque au rayonnement X et Gamma. Les détecteurs de photons X/Gamma sont donc embarqués à bord de satellites. La France, avec le CNES et les laboratoires du CNRS et du CEA, participe depuis plusieurs décennies à ces instruments.

L’avenir des détecteurs d’ondes gravitationnelles passera lui aussi par les moyens spatiaux : la mission e-LISA de l’ESA est prévue pour un lancement en 2034. En se dégageant des bruits d’origine terrestre, les détecteurs d’eLISA promettent des avancées spectaculaires dans notre connaissance de l’Univers.

GLOSSAIRE

(1) Coalescence : Se dit de la réunion de deux objets compacts (ici, deux étoiles à neutrons), quand ils sont attirés l’un par l’autre sous l’action de leurs champs de gravité respectifs et fusionnent (on parlera aussi de ‘fusion’, ou de ‘merger’ en anglais)

(2) Principe d’invariance de Lorentz : L’invariance de Lorentz (conservation de certaines quantités quel que soit le repère inertiel dans lequel elles sont mesurées) est un principe fondamental pour les lois physiques telles qu’on les comprend actuellement. De nombreux tests cherchent à mettre en évidence des violations de ce principe d’invariance, dans le cadre de théories alternatives qui remettent en cause, par exemple, la théorie de la Relativité Générale.

(3) Principe d’équivalence : Principe selon lequel deux corps soumis au seul champ de gravitation chutent à la même vitesse, quelles que soient leurs masses ou leurs compositions. Dans le cadre de la théorie de la Relativité Générale, cela revient à dire que les effets d’un champ gravitationnel sont identiques aux effets d’une accélération du référentiel de l’observateur.

L’INSTRUMENT

INTEGRal (INTernational Gamma-Ray Astrophysics Laboratory): Mission d’Astrophysique haute énergie de l’ESA lancée le 17 Octobre 2002.

SPI (SPectrometer for Integral) : Télescope à haute résolution spectrale fonctionnant de 20 keV à 8 MeV. Réalisé sous maitrise d’œuvre CNES avec la collaboration de plusieurs pays européens et des Etats-Unis. SPI, quelques données :

  • 1228 kg
  • 19 détecteurs en Germanium haute pureté refroidis à 80K
  • résolution en énergie : 2.5 keV à 1 MeV – Blindage actif en BGO – Intégré au CNES à Toulouse.
  • En opération depuis 15 ans ; fonctionnement toujours nominal

PUBLICATIONS

  • « INTEGRAL DETECTION OF THE FIRST PROMPT GAMMA-RAY SIGNAL COINCIDENT WITH THE GRAVITATIONAL EVENT GW170817 », Savchenko et al., acceptée a ApJL.  IntegralGW.pdf 810,96 kB
  • « MULTI-MESSENGER OBSERVATIONS OF A BINARY NEUTRON STAR MERGER », Abbott et al., acceptée à ApJL. MMAGW.pdf 2,04 MB
  • « GRAVITATIONAL WAVES AND GAMMA RAYS FROM A BINARY NEUTRON STAR MERGER: GW170817 AND GRB 170817A », LVC, FERMI/GBM and INTEGRAL collaboration, acceptée à ApJL. LVC-FERMI-Integral.pdf 1,59 MB

Ressources complémentaires

CONTACTS IRAP

  • Jean-Pierre Roques, IRAP (CNRS/Université Paul Sabatier-Toulouse III), jean-pierre.roques@irap.omp.eu, tél 05 61 55 64 53
  • Elisabeth Jourdain, IRAP (CNRS/Université Paul Sabatier-Toulouse III), elisabeth.jourdain@irap.omp.eu, tél 05 61 55 66 37

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