Le télescope spatial FERMI fête ses 15 ans : 15 années à observer le rayonnement gamma de l’Univers … et à en détecter les sources !

Il y a 15 ans, la NASA lançait la mission spatiale Fermi, équipée d’un télescope capable d’observer le rayonnement gamma de l’univers, à des énergies de plusieurs milliards à plusieurs centaines de milliards de fois celle de la lumière visible. L’objectif premier de cette mission était d’explorer l’origine et la vie du rayonnement cosmique, une population de particules relativistes qui baigne les galaxies et témoigne des phénomènes les plus violents et extrêmes de notre cosmos, comme les novae, les supernovae, les pulsars, ou les trous noirs supermassifs. Ce phénomène connu depuis plus d’un siècle comporte toujours une part importante de mystère et peut par ailleurs nous renseigner sur les objets astrophysiques qui en sont la source autant que sur certains processus physiques fondamentaux comme la dynamique des plasmas.

L’IRAP a pris part à cette aventure dès avant le lancement et jusqu’à aujourd’hui, et cet anniversaire nous donne l’occasion de revenir sur certains des travaux de notre équipe, au sein du groupe GAHEC de l’IRAP et en collaboration avec de nombreux étudiants et collègues français et étrangers. La qualité des observations fournies en continu par l’instrument principal de la mission, le Large Area Telescope (LAT), nous a permis de nous intéresser au fil des années à presque toute la richesse de ce que Fermi nous donne à voir de notre Univers dans ses manifestations les plus énergétiques. Bref retour sur une sélection de nos découvertes:

La richesse du ciel gamma

Des milliers d’accélérateurs de particules sont à l’oeuvre dans l’Univers, tel est le constat de 15 ans d’observations avec Fermi (1). Cataloguer tous ces objets et les associer aux astres connus a été la tâche des chercheurs de l’IRAP, afin de mettre un peu d’ordre dans cette abondance. La première catégorie d’objets, avec plusieurs milliers de représentants, sont les blazars, des trous noirs supermassifs au centre de galaxies, qui accélèrent un jet de matière en direction de la Terre. La deuxième catégorie d’objets, comprenant environ un tiers des sources, rassemble des émetteurs qui ne sont associés à aucun objet connu, ce qui stimule des observations effectuées à d’autres longueurs d’onde pour comprendre leur nature. Ensuite viennent les pulsars, des étoiles à neutrons dont le faisceau de lumière pulsée témoigne de leur rotation rapide. Puis d’autres objets plus rares, comme des restes de supernovae, des amas globulaires, des étoiles binaires ou des galaxies proches, qui font partie de ces milieux particuliers capables d’accélérer la matière à des vitesses proches de la lumière.

Des accélérateurs inattendus

En 2010, le LAT a détecté une émission gamma inattendue d’une dizaine de jours, en provenance d’une nova, V407 Cyg, située dans notre Galaxie à 2.7 kpc de la Terre (1). Depuis, Fermi a observé l’émission gamma d’une nova par an environ confirmant qu’elles sont une nouvelle classe de sources de photons de haute énergie (2,3). Le phénomène de nova est expliqué par une explosion thermonucléaire à la surface d’une naine blanche qui se met à briller des centaines de milliers de fois plus que le Soleil. L’explosion éjecte à des milliers de km/s l’enveloppe de la naine. La collision du gaz éjecté à grande vitesse avec l’enveloppe de la naine en expansion ou le vent de l’étoile compagnon accélère des protons à des vitesses relativistes, et ces derniers produisent une émission gamma en interagissant avec la matière environnante (4). L’énergie dissipée dans ces chocs contribue à faire briller les novae. Ces sources constituent donc un véritable laboratoire pour étudier les phénomènes d’accélération de particules et leur émission gamma permet de mieux comprendre l’origine de la luminosité des novae dans le domaine visible.

Carte en gamma d’une partie du ciel avant (a) et après (b) l’explosion de la nova RS Oph, détectée par Fermi le 8 août 2021 (référence : Cheung et al., 2022, ApJ, 935, 44)

Un voisin extraordinaire

Le Grand Nuage de Magellan est une galaxie naine en orbite autour de la Voie Lactée. Sa proximité nous offre un point de vue extérieur sur une galaxie avec un niveau de détail sans égal. Les observations du LAT analysées à l’IRAP ont révélé que le rayonnement cosmique semble se propager dans cette galaxie d’une manière différente de ce qui prévaut dans la Voie Lactée, ce qui fait de cet objet un excellent test de nos théories sur le rayonnement cosmique (1). D’autre part, le Grand Nuage de Magellan héberge des émetteurs extraordinaires: le pulsar gamma le plus puissant connu (2), un système binaire étoile massive et objet compact le plus lumineux de sa classe (3),… Autant de sources hors normes qui nous aideront à mieux comprendre les mécanismes responsables de l’accélération de particules dans l’Univers.

A la source des énergies extrêmes

Le rayonnement cosmique de notre Galaxie atteint des énergies extrêmes par particule et le processus par lequel cela se produit reste un mystère. Les accélérateurs de particules les plus prolifiques, comme les supernovae, ne semblent pas pouvoir accomplir cette prouesse. Depuis une vingtaine d’années, les régions de formation stellaire sont soupçonnées de jouer un rôle important dans l’écologie du rayonnement cosmique, de par la concentration de puissance qu’elles constituent. L’équipe de l’IRAP s’est intéressée à la région du Cygne, une concentration unique d’étoiles massives dans le voisinage solaire, et a montré que l’émission gamma très énergétique qui en provient pouvait être expliquée par une seule supernova passée autant que par un processus d’accélération continue par les amas stellaires qui s’y trouvent (1). Le mystère reste donc entier et la question nécessite une approche nouvelle !

Des anti-étoiles dans la Galaxie ?

Les lois de la physique nous disent que l’Univers devrait contenir des quantités égales de matière et d’antimatière. Pourtant, l’antimatière n’est observée qu’en quantités infimes. Depuis peu, le détecteur de particules AMS-02 embarqué sur la station spatiale internationale semble indiquer qu’il pourrait y avoir plus d’antimatière autour de nous que ce que l’on pensait. Celle-ci pourrait se cacher sous la forme d’étoiles faites d’antimatière, ou antiétoiles (1). On sait que la collision entre antimatière et matière produit des rayons gamma. Des chercheurs de l’IRAP ont fouillé dix ans de données de Fermi et ont trouvé quatorze sources gamma dont les propriétés d’émission sont comparables à celles attendues pour des antiétoiles. Cependant, la nature de ces sources est encore incertaine. L’équipe de l’IRAP a estimé le nombre maximum d’antiétoiles qui pourraient exister dans notre Galaxie, en obtenant les contraintes les plus fortes jamais établies : dans le disque galactique il y a moins d’une antiétoile pour 300 000 étoiles ordinaires (2).

La mission Fermi est à toujours pleinement opérationnelle et la communauté scientifique internationale espère voir son oeil gamma se promener sur le ciel pour encore longtemps. Avec l’avènement de l’astronomie multi-messagers (neutrinos, rayonnement cosmique d’ultra-haute énergie, ondes gravitationelles) et l’intérêt croissant pour les phénomènes astrophysiques transitoires (sursauts gamma, fast radio bursts, fusion d’objets compacts), une mission qui scrute la quasi-totalité du ciel en quelques heures est un atout considérable. Par ailleurs, les avancées dans notre compréhension du ciel aux hautes énergies rendues possibles par Fermi jouent un rôle clé dans la définition des prochains instruments de la discipline, comme le Cherenkov Telescope Array.

Ressources complémentaires

Publications scientifiques :

  • Catalogue:
    • (1) S. Abdollahi, F. Acero, L. Baldini, J. Ballet, D. Bastieri, et al., The Astrophysical Journal Supplement Series, 260, 53, 2022
  • Novae:
    • (1) Abdo et al., Science, 329, 817, 2010
    • (2) Ackermann et al., Science, 345, 554, 2014
    • (3) C.C. Cheung et al., The Astrophysical Journal, 826, 142, 2016
    • (4) P. Martin, G. Dubus, P. Jean, V. Tatischeff & C. Dosne, Astronomy and Astrophysics, 612, A38, 2018
  • Grand Nuage de Magellan:
    • (1) M. Ackermann, A. Albert, W.B. Atwood, L. Baldini, J. Ballet, et al., Astronomy and Astrophysics, 586, A71, 2016
    • (2) M. Ackermann, A. Albert, L. Baldini, J. Ballet, et al., Science, 350, 801, 2015
    • (3) R.H.D. Corbet, L. Chomiuk, M.J. Coe, J.B. Coley, G. Dubus, et al., The Astrophysical Journal, 829, 105, 2016
  • Amas stellaires:
    • (1) X. Astiasarain, L. Tibaldo, P. Martin, J. Knödlseder, Q. Rémy, Astronomy and Astrophysics, 671, A47, 2023
  • Antiétoiles
    • (1) V. Poulin, P. Salati, I. Cholis, M. Kamionkowski, J. Silk, Physical Review D, 99 2 023016, 2019
    • (2) S. Dupourqué, L. Tibaldo, P. von Ballmoos, Physical Review D, 103 083016, 2021

Contacts IRAP

  • Pierrick Martin, pierrick.martin@irap.omp.eu
  • Luigi Tibaldo, luigi.tibaldo@irap.omp.eu
  • Pierre Jean, pjean@irap.omp.eu
  • Jürgen Knödlseder, jurgen.knodlseder@irap.omp.eu
  • Peter von Ballmoos, Peter.VonBallmoos@irap.omp.eu

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