Paradise : une nouvelle infrastructure de recherche pour la préparation des missions spatiales

Perseverance, rover qui cherche la vie sur Mars ; JWST, télescope spatial succédant à Hubble ; Juice, mission qui va observer Jupiter et ses lunes : voici quelques-unes de missions spatiales les plus récentes auxquelles la France apporte une contribution centrale grâce à ses moyens d’envergure d’assemblage, de caractérisation et d’étalonnage en laboratoire. Ces moyens sont principalement répartis sur six plateformes qui font l’objet d’un groupement d’intérêt scientifique (GIS) depuis 2020 2019. Baptisé Paradise (plateforme pour les activités de recherche appliquées et de développement en instrumentation sol et espace), il vient d’accéder au statut d’infrastructure de recherche (IR) sur la feuille de route du Ministère. Pierre Kern, directeur adjoint technique à l’INSU, nous parle de l’importance des missions de l’IR et mentionne les derniers projets passés par Paradise.

Pourquoi avoir créé le GIS Paradise ?

En France, nous avons des moyens très conséquents au sein de plusieurs laboratoires pour assembler, caractériser, et étalonner les instruments scientifiques des missions spatiales. Forts de ces moyens, nous contribuons à de nombreuses missions spatiales internationales. L’ensemble de ces dispositifs, sur le plan académique, est unique au monde et fait des laboratoires français des partenaires privilégiés pour le CNES en premier lieu, mais plus largement pour les agences spatiales à travers le monde. L’opération et la maintenance de ces moyens d’envergure sont couteuses : en général, un investissement nécessite un coût annuel récurent de l’ordre de 10 % de son coût d’investissement. Le groupement d’intérêt scientifique (GIS) Paradise a été créé pour rendre plus visible cette contribution majeure de la communauté française et en obtenir une meilleure reconnaissance et valorisation financière.

Quelles plateformes en font partie ?

Paradise regroupe six plateformes :

  • La station d’étalonnage de l’Institut d’astrophysique spatiale (IAS) à Orsay
  • La plateforme d’intégration et de tests (PIT) de l’Observatoire Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (OVSQ) à Guyancourt
  • Les moyens d’essais du Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (LESIA) à Meudon
  • Les moyens d’essais du Laboratoire astrophysique, instrumentation, modélisation (AIM) à Saclay
  • Les moyens d’essais du Laboratoire d’astrophysique de Marseille (LAM)
  • Les moyens d’essais de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP) à Toulouse

Celles-ci permettent de réaliser plusieurs types de tests :

  • Mise en conditions spatiales (vide et froid) grâce à de grandes cuves capables de reproduire ces conditions ;
  • Vérification de la résistance à ces conditions en répétant les cycles thermiques un certain nombre de fois ;
  • Tests de vibrations grâce à des pots vibrants qui permettent de reproduire le type de chocs que va subir le satellite au décollage de la fusée notamment.
Essais de vibration pour un appareil d’optique la mission Euclid au LAM en 2014 © Philippe LAURENT/LAM/CNRS Photothèque

Toutes ces manipulations ont lieu en salles blanches, salles où la concentration de particules est maintenue à un niveau bas et où la température, la pression et l’humidité sont controlées avec précision. Les instruments destinés aux missions spatiales sont testés dans les cuves pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, contrôlés avec précision grâce à des séries de capteurs, et surveillés continuellement via des tableaux de bord détaillant les mesures et permettant des alertes lors de la détection d’un défaut qui pourrait être critique pour l’instrument. Pour certaines phases de tests et d’étalonnage, les équipes se relaient en 3×8 pour opérer et surveiller 24h/24. C’est également en salle blanche que sont stockées les différentes pièces des systèmes en attendant leur assemblage ou leur livraison à une partenaire tiers ou une agence spatiale.

Dès que que tous les tests ont été réalisés avec succès, les équipements sont livrés à l’agence spatiale en charge de la mission, un à deux ans avant le lancement. C’est le délai nécessaire pour assembler l’ensemble de la charge utile qui sera envoyée par le lanceur et lui faire passer une dernière batterie de tests.

La construction de la station d’étalonnage de l’IAS à Orsay a démarré en 1989. C’est la plus vieille station en France et aussi celle qui possède le plus grand nombre de cuves d’étalonnage : huit au total. Elle a contribué à de nombreuses missions spatiales internationales, toujours avec succès, grâce à la performance de ses moyens techniques et à l’implication de ses équipes. Prochaine en date : la mission Plato qui sera lancée en 2026 pour rechercher des exoplanètes et caractériser leurs étoiles. L’IAS sera l’une des trois stations responsables de l’intégration et de la vérification des assemblages de fabrication des caméras. Sur les 26 caméras, entre 10 et 12 devraient passer par les cuves de l’IAS.

Quelles sont les dernières missions spatiales auxquelles ont contribué les moyens du GIS ?

L’instrument Supercam, de la mission Perseverance, a été étalonné et assemblé à l’IRAP. Perseverance est un rover de la NASA qui est arrivé sur Mars en février 2021 et dont l’objectif est d’examiner l’habitabilité de la planète et de chercher des traces de vie.

En décembre 2021, le télescope spatial JWST, successeur du fameux Hubble, a été lancé avec succès. L’un de ses instruments, MIRI, le seul à opérer dans l’infrarouge moyen, pourra révéler la formation des galaxies plus de douze milliards d’années dans le passé, scruter la formation des étoiles ou encore mesurer la température des planètes dans la zone habitable de leur soleil. Ses différentes composantes ont été testées à AIM, au LAM, au LESIA et à l’IAS.

Vue d’artiste du JWST © NASA

En 2023, deux grandes missions décolleront : Juice et Euclid. Juice effectuera des observations détaillées de Jupiter et de trois de ses plus grandes lunes glacées. L’IAS a développé et étalonné son spectro-imageur visible et proche infrarouge, baptisé MAJIS. Quant à Euclid, son objectif est de cartographier tout un pan de l’Univers, en particulier en effectuant des mesures de la matière et de l’énergie noires, afin de comprendre pourquoi l’expansion de l’Univers s’accélère. Son spectro-photomètre proche infrarouge, NISP, chargé de cartographier les grandes structures de l’Univers, est passé entre les mains du LAM. Quant à VIS, la deuxième plus grande caméra spatiale en lumière visible jamais réalisée, elle a été étalonnée par AIM.

Les nanosatellites

Certaines plateformes de Paradise, en particulier la PIT de l’OVSQ, commencent à accueillir des développements de nanosatellites. Ces tout petits satellites, de quelques décimètres cubes, peuvent apporter des contributions complémentaires aux programmes spatiaux plus conventionnels. On envisage notamment de les utiliser pour l’étude de l’atmosphère ou de la météo de l’espace (impact de l’activité solaire sur la Terre). La possibilité de déployer plusieurs nanosatellites d’un coup, afin d’obtenir simultanément des mesures à différents endroits, ouvre, par exemple, de nouvelles opportunités. Ils peuvent aussi accompagner de plus gros satellites, comme ce fut le cas pour la mission Insight où des images de son atterrissage sur Mars furent prises par deux nanosatellites embarqués. Ce domaine émergent est considéré avec attention par certaines équipes de Paradise.

Quels sont les missions de Paradise ?

Sa mission principale est de définir un mode de fonctionnement homogène, utilisant notamment des procédures partagées, incluant les demandes de prestations, les rapports de mesures et tests, le contrôle qualité. Toutes les procédures doivent être rédigées, puis accompagnées, par des qualiticiens, notamment pour éviter toute erreur pouvant avoir de grosses répercussions en termes de planning et de coût, mais également de stress pour les équipes. Dans les faits, 10 % du personnel impliqué sur de tels développements est dédié au contrôle qualité. Dans l’esprit de maintenir les moyens au meilleur niveau, le GIS propose annuellement un plan concerté de jouvence et d’évolution des plateformes en fonction des nouveaux besoins des laboratoires.

Autre mission : définir et veiller à l’application d’un modèle de coût cohérent des prestations effectuées à l’ensemble des partenaires, afin de permettre la facturation et la valorisation des projets auprès des agences spatiales en France et à l’étranger.

Qu’est-ce que l’inscription du GIS sur la feuille de route IR du Ministère va changer ?

Paradise était candidat au statut d’infrastructure de recherche (IR) dès le début, mais pour y accéder, il fallait d’abord prouver la solidité de la gouvernance de la structure, ce qui a été rendu possible par la constitution du GIS. Grâce au statut d’IR, Paradise bénéficie d’une reconnaissance du Ministère de la recherche (MESRI) lui permettant d’augmenter sa visibilité, tout en restant une structure au plus proche de l’opérationnel. Être IR va également l’autoriser à candidater à des financements spécifiques à ces infrastructures pour son fonctionnement et son développement. Enfin, l’inscription sur la feuille de route IR est une garantie pour le long terme. Une évaluation annuelle est exigée pour rester sur cette feuille de route, mais les plateformes de Paradise ont fait leurs preuves depuis longtemps, dotant d’emblée cette infrastructure de la robustesse attendue.

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