Moisson de résultats scientifiques pour la mission Solar Orbiter

Pour une mission qui vient tout juste d’entrer dans sa phase scientifique principale, Solar Orbiter a déjà produit beaucoup de résultats remarquables. Paru le 14 décembre 2021, un numéro spécial d’Astronomy and Astrophysics rassemble une multitude d’études et d’observations obtenues lors de la phase de croisière de la mission. Pas moins de 56 articles ont été publiés, contenant chacun des données produites par un ou plusieurs instruments sur lesquels la communauté scientifique française a été fortement impliquée, notamment plusieurs laboratoires du CNRS.

La phase de croisière de Solar Orbiter a commencé le 15 juin 2020 et a duré jusqu’au 27 novembre 2021. Pendant ce temps, la sonde a acquis des données scientifiques avec ses instruments in situ, conçus pour mesurer l’environnement autour du vaisseau spatial. Elle a également utilisé son équipement de télédétection pour caractériser et calibrer ces instruments en observant le Soleil. Certaines de ces données se sont avérées d’une telle qualité qu’elles ont permis d’entreprendre les premières études scientifiques en amont de la phase scientifique principale, qui a débuté fin novembre 2021.

Après un lancement en Février 2020 et un périple de 21 mois, de près de deux milliards de km, la sonde a utilisé une dernière fois l’assistance gravitationnelle de la Terre le 27 novembre dernier, avant de débuter la phase nominale de sa mission, avec un premier passage à 0,3 unité astronomique fin mars 2022 (soit à peu près la distance de Mercure lorsqu’elle se trouve au plus proche du Soleil). Durant cette phase de croisière, principalement utilisée pour mettre en route, tester et étalonner les dix instruments de la sonde, les données collectées se sont avérées d’une telle qualité qu’elles ont permis d’entreprendre plusieurs premières études scientifiques, en amont de la phase scientifique principale.

Ainsi l’instrument RPW (1), qui mesure les ondes électriques et magnétiques dans l’héliosphère interne, a permis d’obtenir les premières observations simultanées avec quatre sondes différentes, dont Solar Orbiter, d’une émission radio solaire de type III (Musset et al.). Ces émissions radio sont produites par des électrons énergétiques injectés dans l’héliosphère lors d’éruptions solaires. L’instrument a aussi permis d’étudier le taux de poussières interplanétaire le long de l’orbite de la sonde et de montrer que la population de poussières étudiée s’éloigne du Soleil à une vitesse de l’ordre de 50 km/s. (Zaslavsky et al.). RPW a également pu mesurer les ondes associées à la queue de la comète ATLAS (Matteini et al.), ainsi qu’à celle de la magnétosphère de Vénus (Hadid et al.), toutes deux rencontrées lors du voyage de Solar Orbiter autour du Soleil. Il a également produit une première cartographie des ondes de plasma observées dans le vent solaire entre 0,5 et 1 unité astronomique (Kretzschmar et al., Chust et al., Pisa et al.)

La phase de croisière a aussi été l’occasion de tester le fonctionnement du spectro-imageur STIX (2) qui mesure les émissions X produites dans l’atmosphère solaire par les électrons accélérés lors des éruptions. Il permet donc d’établir un lien entre l’imagerie de l’atmosphère solaire et les mesures in situ : émissions radioélectriques des faisceaux d’électrons se propageant dans la haute atmosphère solaire détectés par RPW, et mesures locales des électrons solaires injectés dans le milieu interplanétaire. Les résultats produits pendant la phase de croisière concernent les observations de micro-éruptions en rayons X qui ont permis de tester les performances de l’instrument à sa limite de détection (Battaglia et al.)

L’instrument SWA, composé de 3 senseurs adaptés à la mesure de différents types de particules (PAS (3): Protons et Alphas, EAS : électrons et HIS : ions lourds), a permis des observations à une cadence 100 fois plus rapide que les sondes HELIOS. Les résultats portent autant sur les phénomènes de grandes échelles : vents lents alfvéniques (D’Amicis et al), instabilité de Kelvin-Helmholtz (Kieokaew et al), les effets de la reconnexion magnétique (Fedorov et al, Owen et al, Lavraud et al), les variations du moment angulaire du vent solaire (Verscharen et), que sur les processus microscopiques associés à l’organisation fine des fonctions de distribution (Louarn et al).  

Premières observations à très haute résolution de EUI (400 km sur le Soleil) montrant les petits événements baptisés ‘campfires’. Des simulations numériques MHD (au centre) indiquent que ceux-ci peuvent être la signature de dissipation d’énergie lors de la reconnexion de lignes de champ magnétique (à droite). D’après Chen et al. © EUI/ROB/IAS/LCFIO/MPS/PMOD/UCL

Les premières observations de EUI (Extreme Ultraviolet Imager) (4) ont immédiatement fourni des images parmi les plus fines jamais obtenues de la couronne solaire (Berghmans et al., Zhukov et al.). Ces images ont révélé des structures brillantes à très petite échelle (400 km sur le Soleil pour les plus petites) qui semblent être la signature des ‘nano-éruptions’ imaginées par E. Parker il y a plus de 20 ans pour résoudre le problème du chauffage de la couronne solaire : comment expliquer que l’atmosphère de notre étoile ait une température de plus d’un million de degrés alors que sa surface n’est qu’à 5000 degrés ? Les caractéristiques principales des événements observés par EUI sont en bon accord avec les modèles MHD (Chen et al.). Cependant, ces observations à haute résolution obtenues pendant la phase de recette en vol n’ont duré que 5 minutes et ne permettent pas l’étude statistique nécessaire pour établir si les nano-éruptions peuvent à elles seules maintenir la température à un niveau élevé. Des observations dédiées sont donc planifiées pour le prochain périhélie, durant lequel la résolution spatiale sera de plus encore deux fois meilleure.

Le spectrographe SPICE (5) a été conçu pour fournir des cartes de la composition chimique de l’atmosphère du Soleil, en vue d’identifier les sources du vent solaire par comparaison avec les mesures de composition effectuées in situ. Les observations de SPICE effectuées durant la phase de recette en vol ont permis d’identifier des points brillants d’intensité et de durée inusuelles (Fludra et al.) Il est possible qu’il existe un lien entre ces structures et celles observées par EUI (voir plus haut). Là encore, les observations du premier périhélie proche sont très attendues.

Notes

  1. Conçu et construit par un consortium international mené par une équipe intégrée LESIA-Observatoire de Paris PSL, CNES, LPC2E et LPP
  2. Sur lequel le CEA et le LESIA sont impliqués
  3. Fourni par l’IRAP de Toulouse
  4. Réalisé par un consortium international avec une forte contribution de l’IAS (co-PI, responsable du canal grand champ) et de l’Institut d’Optique.
  5. Réalisé par un consortium international dont l’IAS a repris la responsabilité du consortium après le lancement de la mission.

Ressources complémentaires

Contact IRAP

  • Philippe Louarn, philippe.louarn@irap.omp.eu

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