Au coeur des vieilles étoiles avec TESS

Depuis un an et demi, la mission spatiale TESS de la NASA scrute des centaines de milliers d’étoiles pour en mesurer la variabilité et détecter des transits d’exoplanètes. Parmi les cibles de l’instrument figurent de nombreuses étoiles âgées dont certaines, secouées de vibrations, permettent l’autopsie de leur coeur par astérosismologie. Une étude réalisée par une large collaboration internationale dirigée par un chercheur de l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie exploite le potentiel de TESS dans ce domaine. L’analyse dévoile les détails de la structure interne d’une étoile compacte évoluée, autrefois géante rouge, évoluant maintenant dans une phase de fusion nucléaire de l’hélium dans son noyau. Ce résultat, publié dans la revue Astronomy & Astrophysics, ouvre la voie vers une meilleure compréhension des mécanismes physiques impliqués dans l’évolution des coeurs stellaires.

EC 21494-7018 est un petit astre chaud (23,700 K en surface) et compact (à peine 16% de la taille du Soleil), de classe spectrale sdB associée à un stade évolué ou les étoiles puisent leur énergie du brûlage de l’hélium dans le noyau. Observée par le satellite TESS de la NASA parmi la multitude de cibles proposées par une équipe internationale d’astrophysiciens, menée par un chercheur de l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP) de Toulouse, cette étoile s’est révélée être une variable pulsante agitée d’ondes de gravité qui se propagent à la fois en surface et à l’intérieur de l’astre. Les vibrations de luminosité observées ont pu être interprétées au moyen de techniques « astérosismiques », analogues aux méthodes qu’emploient les géophysiciens pour dévoiler la structure de notre planète grâce aux ondes provoquées par les séismes sur Terre. La répercussion des ondes sismiques se propageant au travers des différentes couches terrestres produit en effet une signature unique, qui est ensuite captée en surface, puis déchiffrée. De façon similaire, les variations lumineuses enregistrées à la surface de l’étoile portent des informations précieuses sur les différentes couches stellaires, notamment sur son noyau.

Illustration 1 : Périodogramme montrant les fréquences de pulsation découvertes par le satellite TESS dans l’étoile EC 21494-7018. Chaque pic identifié correspond à une onde de gravité qui se propage à la surface et à l’intérieur de l’étoile (Figure tirée de Charpinet et al. 2019).

Une étoile sdB descend habituellement d’un astre similaire au Soleil, mais dont l’enveloppe s’est presque totalement disloquée pendant l’épisode géante rouge, ne laissant que les restes de l’ancien coeur stellaire, d’environ 0.47 masse solaire. Mais l’étude sismique de EC 21494-7018 dévoile un objet atypique sensiblement plus léger, 0.39 masse solaire, impliquant un progéniteur au moins deux fois plus massif que le Soleil, seul capable de produire un coeur si petit. Cette étoile se serait ainsi formée par un canal peu commun pour produire ce type d’objet.

Plus intéressant encore, le sondage sismique dévoile les détails de la stratification chimique à l’intérieur de cette étoile sdB. On y découvre en particulier un noyau où 43% de l’hélium a déjà fusionné pour produire du carbone (~ 27%) et de l’oxygène (~ 16%). Or, à ce stade de son évolution, ce noyau apparaît plus massif (environ 0.20 masse solaire) que ceux prédits par les modèles standards d’évolution stellaire.

L’évolution des coeurs d’hélium est une étape dans la vie des étoiles sujette à de grandes incertitudes. La vigueur des réactions de fusion nucléaire impliquant l’hélium engendre un noyau convectif dont la taille augmente avec le temps, mais la physique mal connue du mélange à la frontière de cette zone rend difficile la modélisation de cette évolution. Les résultats obtenus pour EC 21494-7018 apportent donc une information essentielle pour contraindre et mieux comprendre la physique en jeu dans l’évolution de ces coeurs.

En produisant des données sismiques pour un grand nombre d’étoiles semblables à EC 21494-7018, le satellite TESS permettra d’obtenir les mensurations de coeurs d’hélium en fusion à tous les stades de leur évolution, depuis les premiers temps du brûlage nucléaire jusqu’à sa phase terminale. Cette « cartographie » sera précieuse pour mieux cerner les phénomènes physiques contrôlant la structure de ces coeurs et comment ils se développent. Elle permettra également de mieux connaître la composition interne des étoiles naines blanches, qui sont les résidus de ces coeurs d’hélium au stade ultime de la vie de la plupart des étoiles dans l’Univers.

Illustration 2 : Profils de composition chimique déduits de l’analyse sismique de l’étoile EC 21494-7018 pour les principaux constituants : hydrogène, hélium, carbone et oxygène (de haut en bas). Les zones en rouge indiquent la composition la plus probable en fonction de la profondeur dans l’étoile (son centre correspondant à -log q = 0; Figure tirée de Charpinet et al. 2019).

Ressources complémentaires

  • Article publié dans Astronomy & Astrophysics, highlight du mois de décembre 2019 : « TESS first look at evolved compact pulsators. Discovery and asteroseismic probing of the g-mode hot B subdwarf pulsator EC 21494-7018 », S. Charpinet, P. Brassard, G. Fontaine, V. Van Grootel, W. Zong, N. Giammichele, U. Heber, Zs. Bognár, S. Geier, E. M. Green et al. (22 more) , 2019,A&A,632, A90, DOI: 10.1051/0004-6361/201935395
  • Voir également https://www.aanda.org/2019-highlights/1745

Contact IRAP

  • Stéphane Charpinet – stephane.charpinet@irap.omp.eu

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