SPIRou : la chasse aux exoplanètes est ouverte

Un an après son installation au sommet du volcan Maunakea sur la grande île d’Hawaï, et suite à plusieurs mois de tests intensifs, SPIRou vient de réussir avec brio son examen d’acceptance, et a donc pu débuter ses explorations scientifiques.  

Le SPectropolarimètre Infra-ROUge SPIRou est un instrument innovant de haute précision qui équipe le télescope Canada-France-Hawaï (TCFH) depuis janvier 2018. Son objectif est de détecter et de caractériser des exoplanètes similaires à la Terre, en orbite autour des naines rouges voisines du système solaire ;  SPIRou va également explorer la formation des étoiles et de leurs systèmes planétaires, et plus spécifiquement l’impact encore mal connu du champ magnétique sur cette genèse.

En pratique, pour détecter des planètes semblables à la Terre gravitant dans la zone dite habitable autour d’une naine rouge (à une distance de l’étoile où l’eau peut exister à l’état liquide à la surface de la planète), SPIRou doit mesurer la vitesse des étoiles et sa variation temporelle.  Son fonctionnement peut être assimilé à celui d’un radar routier, utilisant l’effet Doppler pour estimer les variations de vitesse des étoiles avec une précision d’environ 1 à 2 m/s (soit la vitesse typique d’une personne qui marche).  Ces changements de vitesse se traduisent sur le détecteur SPIRou par de minuscules décalages du spectre stellaire de l’ordre du millième de pixel.  La mesure de ce décalage spectral permet de diagnostiquer de manière fiable la présence d’une planète et d’en mesurer sa masse.  Pour atteindre une telle précision, le spectrographe cryogénique SPIRou, refroidi à -200° pour s’affranchir du rayonnement thermique ambiant, doit être extrêmement stable et régulé en température à mieux qu’un millième de degré.  Ceci permet en particulier que les infimes fluctuations de vitesse trahissant la présence d’exoplanètes ne soient noyées dans le bruit des fluctuations thermiques de l’instrument.  Aujourd’hui la précision de SPIRou est essentiellement limitée par les raies d’absorption variables de l’atmosphère terrestre, tourmentant les spectres stellaires et dont la correction est imparfaite à ce jour.  Une fois cette correction optimisée, la précision vélocimétrique de SPIRou devrait encore s’améliorer, pour atteindre le niveau nominal de 1 m/s. 

Depuis son installation en janvier 2018, l’équipe projet a examiné les performances du nouvel instrument. Les résultats, présentés à un panel d’experts le 23 janvier 2019, ont démontré que SPIRou était quasiment conforme aux spécifications initiales, et prêt à entreprendre les ambitieux programmes scientifiques pour lesquels il a été conçu.  La quête de nouveaux mondes extra-solaires avec SPIRou a donc pu débuter et devrait se poursuivre au TCFH sur plusieurs centaines de nuits d’observation tout au long de la prochaine décennie. 

A ce jour le programme le plus conséquent mené avec SPIRou s’appelle le SPIRou Legacy Survey et nécessitera 300 nuits de télescope TCFH au cours des quatre prochaines années.  Il vise deux objectifs principaux:

  • la détection et la caractérisation des systèmes multi-planétaires des ~100 naines rouges les plus proches du Système Solaire, du type du célèbre système de 7 planètes découvert autour de Trappist-1, une naine rouge située à 39 années-lumière de la Terre, 
  • l’étude de la formation des nouveaux mondes, du type de ceux découverts dans les pouponnières stellaires de la nébuleuse d’Orion, en se focalisant sur le rôle que les champs magnétiques jouent dans cette naissance.  

Au cours du premier semestre 2019, SPIRou devrait observer plusieurs centaines d’étoiles, dont certaines simultanément avec le satellite TESS de la Nasa, comme l’étoile jeune éruptive EX Lup et son disque protoplanétaire considérés comme un bon exemple de ce à quoi notre Système Solaire a pu ressembler dans sa prime jeunesse.

Les premières observations scientifiques de SPIRou ont été recueillies du 13 au 17 février, pendant une brève accalmie de la tempête hivernale qui a sévèrement touché le sommet du Maunakea.

Ressources complémentaires

IRAP Contact

  • Jean François Donati, IRAP, jean-francois.donati@irap.omp.eu

Plus d'actualités

Vénus perd de l’oxygène et du carbone dans l’espace

Vénus, contrairement à la Terre, ne possède pas de champ magnétique intrinsèque. En conséquence, le vent solaire interagit directement avec son atmosphère, accélérant des particules chargées qui peuvent s’échapper dans […]

MIRS : départ pour le Japon

MIRS, petit instrument d’une dizaine de kilos seulement, est un véritable bijou de technologie mis au point en seulement 4 ans. Développé collectivement par le CNES, le LESIA, le LAB, […]

Jupiter et Saturne: un nouveau modèle théorique des magnétosphères géantes

Les planètes géantes du Système Solaire sont des systèmes d’une extrême complexité. Elles sont caractérisées d’abord par leur champ magnétique très intense, qui crée une cavité magnétique protectrice du vent […]

Rechercher