DORN

Groupe thématique : PEPS
Responsable scientifique : Pierre-Yves Meslin
Responsable technique : Kim Wah Wong

Description / Contexte

L’instrument DORN (Detection of Outgassing RadoN, du nom du physicien Friedrich Dorn ayant découvert le radon-222) sera embarqué à bord de la mission chinoise Chang’E6 en 2023-2024. Il aura pour objectif de mesurer pour la première fois à la surface de la Lune, par spectrométrie alpha, la quantité de radon qui s’échappe du sol lunaire et de mieux comprendre ce qui gouverne la concentration de ce gaz noble à la surface de la Lune. Le radon et ses descendants radioactifs sont utilisés sur Terre comme traceurs et géo-chronomètres des échanges entre lithosphère, hydrosphère et atmosphère, et comme traceurs du mouvement des fluides (eau et masses d’air) qui les transportent. Sur la Lune, du fait de son origine et de sa courte demi-vie (~4 jours), le radon représente un traceur idéal du dégazage lunaire et du transport des gaz à sa surface.

Depuis les missions Apollo, nous savons en effet que la Lune possède une ‟atmosphère” extrêmement ténue dans laquelle les atomes et molécules n’entrent pas en collision, ce que l’on appelle une exosphère. Cette exosphère a une durée de vie courte, à cause de son interaction avec le rayonnement UV et avec le vent solaire, qui la chassent rapidement. Ceci implique aussi qu’elle est régénérée en permanence. Plusieurs sources ont été identifiées. Une partie de son exosphère provient du vent solaire lui-même, ou des interactions entre le rayonnement solaire et la surface lunaire. Une partie est apportée par les impacts de météorites, plus ou moins riches en espèces volatiles, dont des molécules d’eau qui peuvent ensuite migrer et être piégées au niveau des pôles. Enfin, certains gaz peuvent provenir du dégazage de la planète elle-même. Ainsi, les missions Apollo ont révélé la présence de trois gaz provenant en tout ou partie de la Lune elle-même : de l’hélium-4, de l’argon-40 et du radon, tous trois étant produits par la radioactivité de la croûte voire du manteau lunaire. Les mesures d’argon-40 effectuées à la surface de la Lune par Apollo 17 ont révélé un cycle journalier fortement marqué par les variations de la température de surface, mais aussi une possible corrélation entre son dégazage et l’activité sismique de la Lune. Les mesures de radon, effectuées depuis les modules de service d’Apollo15 et 16 en orbite autour de la Lune, puis par les sondes Lunar Prospector et Kaguya-Selene, ont révélé d’énigmatiques variations spatiales et temporelles de ce gaz, semblant indiquer un dégazage préférentiel, variable dans le temps, en certaines régions de la Lune (comme le cratère Aristarchus ou les frontières des mers lunaires), possiblement corrélé lui-aussi à son activité sismique et à l’apparition de phénomènes lunaires transitoires (modifications optiques de la surface lunaire peut-être engendrées par du dégazage).

Le radon est un gaz radioactif produit par la désintégration de l’uranium-238 présent dans les roches. Sur Terre, une fraction du gaz produit peut être libéré des roches et migrer dans les sols puis dans l’atmosphère, produisant ensuite un cortège de descendants radioactifs que l’on retrouve dans l’environnement de surface. De même, du radon peut être libéré du sol lunaire et diffuser ou être transporté par d’autres gaz jusqu’à sa surface, où il va se désintégrer et déposer sur la surface ses descendants radioactifs. Sa désintégration et celle de ses descendants s’accompagne de l’émission de particules très énergétiques (des particules alpha) qui peuvent être détectées. C’est ainsi que l’instrument DORN les mesurera.

Objectif scientifique

En mesurant de façon fine la concentration de radon et celle de certains de ses descendants (des isotopes de polonium) par spectrométrie alpha, l’instrument DORN permettra de déterminer le flux de radon s’échappant de la Lune et de le comparer aux flux de radon sur Terre, Mars et Mercure. Il permettra de contraindre la dynamique de son transport, et par extension celui des autres gaz, au travers du sol et de l’exosphère lunaires. Il permettra aussi de comparer pour la première fois mesures in situ et mesures orbitales, qui restent moins sensibles. La mesure du polonium-210 (un radionucléide permettant sur Terre et sur Mars de déterminer les vitesses de dépôt des aérosols et des sédiments) contraindra l’efficacité de la lévitation de la poussière lunaire par le rayonnement et les particules solaires. Enfin, les mesures effectuées par DORN permettront d’affiner, voire de corriger, les mesures d’uranium faites par spectrométrie gamma depuis l’orbite lunaire. Le retour d’échantillons lunaires par la mission Chang’E 6 offrira aussi la possibilité de comparer les mesures de radon réalisées in situ aux analyses effectuées en laboratoire sur ces échantillons (teneur en uranium, émanation de radon, dépôts surfaciques des descendants du radon, propriétés de transport des gaz) pour mieux modéliser la mobilité de ce gaz dans l’environnement lunaire

Implication de l’IRAP

L’instrument DORN a été conçu, est développé et sera intégré à l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie.
Principal Investigator: Pierre-Yves Meslin
Chef de projet : King Wah Wong

Partenaires

L’instrument DORN est réalisé sous maitrise d’ouvrage du CNES, en collaboration avec l’Institut de Géologie et Géophysique (IGG) de l’Académie des Sciences Chinoise (co-PI: Prof. He Huaiyu), l’Université de Géosciences de Pékin (CUGB; co-I: Prof. Kang Zhizhong), le Shenyang Institute of Automation (SIA), le National Space Science Center (NSSC) et la China National Space Administration (CNSA). Les autres partenaires sont le CEA (dont le LNE-LNHB), SUBATECH, le GIP d’Arronax, Albedo Technologies, l’Université Christian-Albrechts de Kiel et le Planetary Science Institute. Le projet s’appuie aussi sur des recherches effectuées en collaboration avec l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN)

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