Westerlund 1 : une pouponnière d’étoiles souffle un vent de particules à l’échelle galactique

Une équipe internationale de scientifiques menée par Marianne Lemoine, Directrice de recherches au LP2IB, avec une contribution de l’IRAP, vient de mettre en évidence, pour la première fois, un flux de particules s’échappant d’un jeune amas d’étoiles massif de notre galaxie en combinant des données du satellite de la NASA Fermi et du réseau de télescopes au sol H.E.S.S, qui observent tous deux les rayons gamma émis par des sources astrophysiques. Ces résultats, publiés dans Nature Communications, apportent un éclairage inédit sur le rôle des amas stellaires dans l’accélération des rayons cosmiques, participant à la redistribution de la matière à l’échelle galactique et ainsi, à la formation de nouvelles étoiles. 

Le jeune amas stellaire Westerlund 1. (Crédits image : ESA)

À plus de 13 000 années-lumière de la Terre, l’amas d’étoiles Westerlund 1 est dans le radar des astrophysiciens depuis des décennies. Cet amas très jeune de la Voie lactée – à peine 4 millions d’années au regard des 4,5 milliards d’années du soleil – concentre sur un diamètre de seulement six années-lumière des centaines d’étoiles massives*, dont la puissance combinée génère un puissant vent de particules élémentaires : des rayons cosmiques. Une collaboration entre le LP2iB, le Max-Planck Institut et l’IRAP s’appuyant sur une combinaison de données du satellite Fermi de la NASA et du réseau de télescopes au sol H.E.S.S. vient de démontrer, pour la première fois, que ce vent de particules cataclysmique parvient à s’échapper de l’amas sous la forme d’un flux de particules, qui pourrait à terme sortir du disque galactique pour alimenter le halo galactique et participer ainsi à l’évolution chimique de la galaxie. 

On sait depuis trois ans que Westerlund-1, qui concentre l’équivalent en masse de 100 000 soleils, agit comme un accélérateur de particules naturel contribuant à l’accélération des rayons cosmiques, composés principalement de protons et d’une faible quantité de noyaux plus lourds mais aussi d’électrons. La découverte par les télescopes H.E.S.S. en 2022 d’un rayonnement gamma englobant Westerlund-1, d’une énergie avoisinant les téraélectronvolts (TeV), avait en effet trahi la présence d’électrons accélérés à des vitesses vertigineuses aux marges extérieures de l’amas par les vents magnétiques collectifs de ses nombreuses étoiles massives. Ce sont en effet les rayons gamma générés par l’interaction entre les électrons et des photons selon un processus dénommé « diffusion Compton inverse » qui sont détectés indirectement par le réseau de télescopes H.E.S.S, permettant aux scientifiques de déduire la présence des rayons cosmiques. Mais une particularité intriguait les chercheurs : ce rayonnement n’apparaissait pas seulement sous la forme d’un anneau autour de l’amas, mais aussi sous celle d’une extension en « queue », dirigée hors du plan galactique.

« C’est dans ce contexte que j’ai travaillé avec le Max-Planck Institut, explique Marianne Lemoine, chercheuse au LP2I Bordeaux et autrice principale de l’article. Ils souhaitaient que j’étudie cette observation de H.E.S.S. à l’aune des données du satellite Fermi, qui avait également observé des sources gamma au voisinage de Westerlund-1.Effectivement, Fermi a détecté des émissions gamma dans le domaine des gigaélectronvolts (GeV) dans une région qui s’étend bien au-delà de l’amas, jusqu’à plusieurs centaines d’années lumières au-delà. J’ai alors démontré que ces émissions gamma n’étaient pas issues de sources isolées mais devaient être comprises comme un seul et même phénomène. Qu’il s’agit en fait de la prolongation du rayonnement gamma détecté par H.E.S.S., s’échappant de l’amas sous la forme d’un flux de particules qui se propage dans le milieu interstellaire sur plus de 500 années lumières ». 

Luigi Tibaldo, Astronome Adjoint à l’IRAP, fort de son expertise sur l’analyse des données Fermi et le milieu interstellaire, a contribué a établir la robustesse de ce résultat.

Suite à cette analyse, l’équipe du Max-Planck Institut s’est employée à modéliser les phénomènes à l’œuvre dans cette longue trainée de rayonnement. Selon leur modèle, les électrons accélérés aux marges de l’amas sont propulsés hors de celui-ci perpendiculairement au plan de la galaxie, en direction du halo galactique. Les électrons les plus énergétiques perdent rapidement leur énergie et ne sont donc visibles qu’au voisinage immédiat de l’amas, où ils produisent le rayonnement gamma de haute énergie (dans la gamme du TeV) détecté par H.E.S.S. Plus loin de l’amas, on ne détecte que des électrons ayant déjà perdu une partie de leur énergie : ce sont ceux qui donnent lieu à l’émission gamma plus diffuse observée par Fermi. Cette modélisation du flux de rayons cosmiques a reçu une confirmation supplémentaire lorsque l’étude du gaz interstellaire dans cette région de la galaxie a mis en lumière une zone appauvrie en matière, comme si le flux d’électrons avait littéralement soufflé la matière alentour. 

Les électrons cosmiques sont accélérés au niveau du choc terminal du vent cosmique (en rose). Les électrons à haute énergie perdent rapidement leur énergie et émettent des rayons gamma TeV mesurés par H.E.S.S.. Les électrons à plus faible énergie sont transportés le long du flux sortant et génèrent des rayons gamma GeV détectés par Fermi-LAT.

« Avec H.E.S.S. et Fermi, nous ne pouvons détecter indirectement que les électrons, qui produisent les rayons gamma. Les protons restent invisibles ici, car la région autour de l’amas est très pauvre en matière : les protons ne peuvent interagir qu’avec d’autres protons, et faute de cibles suffisantes, ils ne produisent pas de signal détectable, renchérit Marianne Lemoine. Or, il y a fort à parier que ce flot, s’il parvenait à poursuivre sa propagation jusqu’au halo galactique, rejoindrait à terme d’autres régions du plan galactique, contribuant ainsi à la redistribution de matière dans la Voie lactée et ainsi à la formation de nouvelles étoiles et de nouveaux amas ». 

Cette analyse combinée des données de Fermi et H.E.S.S. représente ainsi une avancée majeure pour comprendre comment les galaxies se régulent et évoluent au fil du temps. Les prochaines observations de l’Observatoire CTAO, en construction au Chili et dans les îles Canaries, permettront de déterminer si Westerlund-1 constitue un cas unique dans la galaxie, ou bien un modèle représentatif de nombreux autres amas massifs dans l’Univers.
 

*Dans le voisinage du soleil, on trouve en moyenne moins d’une étoile dans le même volume. 

Ressources complémentaires

Contact IRAP

  • Luigi Tibaldo, luigi.tibaldo@irap.omp.eu

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