Détection d’un champ magnétique complexe sur la surface de l’étoile de masse intermédiaire Vega

Une décennie d’observations ultra-profondes au Pic du Midi et à l’Observatoire de Haute-Provence

Vega, étoile prototype des étoiles de masse intermédiaire, révèle après plus d’une décennie d’observations un double visage magnétique : un champ fossile stable à grande échelle cohabite avec un champ variable aux petites échelles spatiales, probablement généré par effet dynamo. Cette découverte apporte des contraintes inédites pour modéliser l’évolution des étoiles qui participent à l’enrichissement chimique de notre Univers.

Télescope Bernard Lyot, Observatoire Midi-Pyrénées. Ce télescope héberge le spectropolarimètre Neo-Narval. © Sébastien Chastanet – OMP/UT

Depuis plus de 150 ans, Vega de la Lyre sert de référence de stabilité aux astronomes. Pourtant, cette étoile brillante de l’hémisphère nord n’a cessé de les surprendre ces dernières décennies.

Vega est une étoile de masse intermédiaire (2 masses solaires, classe spectrale A) en rotation très rapide, avec une vitesse équatoriale de près de 200 km/s. En 2009, la découverte d’un champ magnétique très faible à sa surface a surpris la communauté scientifique. D’après les modèles d’évolution stellaire, ce type d’étoiles ne devrait pas engendrer de champ magnétique en l’absence d’une enveloppe convective près de la surface, contrairement aux étoiles froides qui possèdent une zone convective surfacique profonde. Depuis, d’autres étoiles de la même catégorie ont révélé l’existence de champs magnétiques similaires, mais leur origine reste mystérieuse : s’agit-il de champs fossiles, c’est-à-dire engendrés dans une phase antérieure de la vie de l’étoile, ou d’un mécanisme de type dynamo actuellement à l’œuvre ? Contraindre l’origine du champ magnétique des étoiles de masse intermédiaire constituerait une avancée majeure, car le champ magnétique est un ingrédient à la fois essentiel et mal connu de leur évolution.

En 2015, l’analyse détaillée d’un très grand nombre de spectres à haute résolution a permis de découvrir l’existence de taches brillantes et/ou sombres en co-rotation avec Vega, généralement attribuées à un mécanisme dynamo générant des champs magnétiques. La variabilité à court terme de ces tâches a été suspectée dès 2017. C’est pour lever le voile sur cette énigme qu’une nouvelle campagne d’observations d’une ampleur inédite a été menée.

Une équipe internationale menée par des chercheurs de l’IRAP a étudié plus de 13 000 spectres à haute résolution et grande stabilité vélocimétrique obtenus sur plus d’une décennie. Ces observations ont été réalisées à l’aide du spectrographe SOPHIE à l’Observatoire de Haute-Provence et en spectropolarimétrie – une technique qui permet de mesurer les propriétés magnétiques à partir de la lumière polarisée – avec les instruments Narval puis Neo-Narval au Télescope Bernard Lyot de l’Observatoire du Pic du Midi.

La qualité exceptionnelle des données (très haut rapport signal sur bruit) associée à une réduction ultra-précise avec le pipeline de réduction de données NEXTRA a révélé une complexité inattendue du champ magnétique observé. Pour la première fois, une étoile de masse intermédiaire prototype de toute sa catégorie révèle la coexistence d’un champ magnétique fossile sous forme d’un dipôle incliné – une configuration où les pôles magnétiques ne sont pas alignés avec l’axe de rotation, détecté en 2022 – et d’un champ magnétique variable à petite échelle, probablement engendré par effet dynamo.

Ce travail de grande ampleur, basé sur la reconstruction de cartographies magnétiques par l’imagerie Zeeman-Doppler et d’intensité par une méthode d’imagerie Doppler novatrice, aura, s’il est généralisé à d’autres étoiles similaires, un impact majeur sur notre compréhension des étoiles responsables de l’évolution chimique de notre Univers. De premières pistes théoriques existent pour expliquer ce type de dynamos peu efficaces dans cette catégorie d’étoiles à enveloppe historiquement considérées comme purement radiatives. Un tout nouveau domaine de recherche s’ouvre désormais.

Ressource complémentaire

  • Publication scientifique : Böhm, T., Holschneider, M., Petit, P., Lignières, F., Paletou, F., Folsom, C. P., & Rainer, M. (2025). Stable magnetic fields and changing starspots on Vega: An ultra-deep decadal survey at Pic du Midi and OHP. Astronomy & Astrophysicshttps://doi.org/10.1051/0004-6361/202556306

Contact IRAP

  • Torsten Böhm, torsten.bohm@irap.omp.eu

Plus d'actualités

Des associations minérales et organiques inédites découvertes dans le cratère Jezero sur Mars

Le rover Perseverance a mis au jour des roches sédimentaires contenant des minéraux et de la matière organique organisés en structures jamais observées auparavant sur Mars, ouvrant de nouvelles perspectives […]

Juno identifie l’empreinte aurorale manquante de la lune Callisto sur les pôles de Jupiter

Depuis Juillet 2016 ,  la mission  Juno  en orbite  autour  de Jupiter  permet  d’étudier les propriétés  et  les mécanismes  physiques  des empreintes  aurorales. Une  étude récemment  publiée  dans la  revue  Nature  Communications,  démontre qu’il  existe des  opportunités  d’identifier l’empreinte  aurorale  […]

Toulouse, capitale de l’Astronomie

Du 1er au 4 juillet 2025 s’est tenue, à l’INP-ENSEEIHT, la Semaine de l’Astrophysique Française organisée par la Société Française d’Astronomie et d’Astrophysique … avec l’aide et le soutien de […]

Rechercher