Les aurores polaires de Jupiter

À chacune de ses orbites, la sonde Juno nous étonne par ses images des aurores polaires de Jupiter, mais aussi par ses mesures de particules, de champ magnétique et d’ondes électromagnétiques qui en révèlent les mécanismes physiques sous-jacents. Le principe des aurores est connu. L’environnement magnétique des planètes (la magnétosphère) est empli d’ions et d’électrons (un plasma) guidés par le champ magnétique. D’une manière générale, tout processus qui « agite » le champ magnétique se traduit par une accélération des particules. Elles sont « précipitées » vers la planète et, guidées par le champ magnétique, se concentrent autour des pôles. Par collisions, elles excitent les molécules atmosphériques qui émettent alors une lumière à l’origine des aurores polaires.

Aurores sur Jupiter © NASA/JPL-Caltech/SwRI

Sur Terre, on distingue les aurores « diffuses » et, à plus hautes latitudes, les « discrètes » qui forment les fameux rideaux lumineux si photogéniques. Il est bien établi que ces dernières sont causées par des perturbations de la magnétosphère liées à l’activité solaire. Elles peuvent être associées à des champs électriques quasi-statiques qui créent des faisceaux d’électrons mono-énergétiques précipités vers la Terre ou bien, plus minoritairement, à une turbulence d’ondes qui accélère les électrons vers le « bas » et le « haut ».  On savait déjà avant Juno que la situation serait différente pour Jupiter. En effet, la magnétosphère de Jupiter est en rotation rapide et peuplée de particules produites continument par l’activité volcanique de Io. Cela forme un disque de plasma en rotation, dans lequel les particules s’évacuent vers l’extérieur. On se doutait que ce transport radial, continu, était une première cause d’aurores. Par ailleurs, plusieurs lunes – en particulier Io et Ganymède – orbitent dans le disque, perturbent le champ magnétique et peuvent donc aussi provoquer des aurores spécifiques.

Ces hypothèses n’ont pas été remises en cause mais de nombreuses surprises sont venues de Juno et des programmes d’observations associés. On sait maintenant que la puissance des aurores est phénoménale, elle correspond à cent mille réacteurs nucléaires (100 TW) et élève de plusieurs centaines de degrés la haute atmosphère polaire (de -70° à plus de 400°) !  On a vu des « explosions » aurorales qui ont perturbé toute la magnétosphère jusqu’à l’orbite de la lune Io !  On a mis en évidence une composante en rayons X des aurores, due à des précipitations d’ions énergétiques. Juno a aussi révélé que la zone interne du disque, jusqu’à environ 30-50 rayons joviens, correspond à des aurores de nature plutôt « diffuse », mais avec des intensifications localisées qui témoignent d’accélérations particulières, d’injections de particules énergétiques et de générations de rayonnements radio. La sonde révèle aussi que les aurores les plus intenses sont dues à des champs électriques turbulents et une accélération aléatoire des particules des centaines de fois plus puissante qu’à la Terre. Comprendre et modéliser tous les processus complexes et multi-échelles impliqués dans les aurores joviennes reste un défi !

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  • Philippe Louarn, philippe.louarn@irap.omp.eu

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