SPIRou sonde l’atmosphère de l’exoplanète géante Tau Boo b

Avec le spectropolarimètre SPIRou au Télescope Canada-France-Hawaii (TCFH) à Hawaii, une équipe scientifique menée par Stefan Pelletier, doctorant à l’Université de Montréal, a étudié l’atmosphère de la géante gazeuse Tau Boo b, un monde brûlant qui met à peine 3 jours à accomplir une révolution autour de son étoile.  

Vue d’artiste du Jupiter chaud Tau Boo b en orbite proche autour de son étoile. © Harvard-CfA / D Aguilar

L’analyse détaillée, publiée le 28 juillet 2021 dans l’Astronomical Journal, montre que l’atmosphère de la planète gazeuse Tau Boo B contient bien du monoxyde de carbone, comme attendu, mais étonnamment très peu d’eau, une molécule supposément abondante dans ce type de planète et qui aurait donc dû être facilement détectée avec SPIRou.  

    Tau Boo b est une planète environ 6x plus massive que Jupiter, mais 100x plus proche de son étoile que Jupiter ne l’est du Soleil, d’où son qualificatif de ‘Jupiter chaud’.  L’étoile hôte, Tau Boo, est située à 51 années-lumière de la Terre dans la constellation du Bouvier, et est assez brillante pour être visible à l’oeil nu.   Du fait de sa masse imposante, Tau Boo b est une des premières exoplanètes détectées, découverte en 1996 par la technique des vitesses radiales qui permet de déceler les mouvements réguliers de faible amplitude que les planètes induisent sur l’étoile autour de laquelle elles orbitent.  

Bien que l’atmosphère de Tau Boo b ait déjà été étudiée, c’est la première fois que son contenu moléculaire est scruté avec un instrument aussi puissant que SPIRou.  Si Tau Boo b s’est formée dans un disque protoplanétaire de composition similaire à celle de notre système solaire, la vapeur d’eau devrait être présente en grande quantité dans son atmosphère, et donc facilement détectable avec SPIRou.  L’équipe s’attendait à une claire détection d’eau avec peut-être des traces de monoxyde de carbone.  Quelle ne fut pas sa surprise en trouvant le contraire : du monoxyde de carbone mais pas d’eau !

Les Jupiters chauds comme Tau Boo b permettent de tester les modèles de formation des planètes géantes ;  en effet, en sondant la composition des planètes, et en particulier la composition moléculaire de leur atmosphère, il est possible d’obtenir des indices sur la manière donc la planète s’est formée, et le lieu de sa naissance.  Du fait de la température extrême des Jupiters chauds, la plupart des molécules atmosphériques se trouve sous forme gazeuse, et donc détectable avec des instruments comme SPIRou.

Dans notre système solaire, Jupiter et Saturne sont assez froides pour que certaines molécules, comme l’eau, soient sous forme solide (glace) et profondément enfouies dans leur atmosphère, ce qui nous empêche de déterminer précisément leur abondance. L’étude des Jupiters chauds permet ainsi de mieux comprendre la formation des planètes géantes, y compris celles du Système Solaire.  La faible quantité d’eau sur Tau Boo b suggère par exemple que Jupiter pourrait être moins riche en eau que supposé jusqu’à présent. Grâce à leur analyse des données SPIRou, Stefan Pelletier et ses collègues ont pu conclure que Tau Boo b contient autant de carbone que Jupiter dans son atmosphère, et environ 5 fois plus que le Soleil.  Ce résultat renforce l’idée que les Jupiters chauds se forment loin de leur étoile hôte, à des distances comparables aux planètes géantes de notre Système Solaire, mais ont connu une évolution différente, avec notamment une migration rapide vers l’étoile.  Somme toute, bien que situés beaucoup plus près de leur étoile hôte, les Jupiters chauds ne sont peut-être pas si différents de Jupiter et Saturne en ce qui concerne leur composition chimique.  

SPIRou: un instrument unique

Tau Boo b est l’une des premières planètes dont l’atmosphère a été scrutée avec SPIRou depuis l’installation de ce nouvel instrument au TCFH.  SPIRou a été conçu, intégré et testé par un consortium international mené par les équipes techniques et scientifiques toulousaines de l’IRAP / OMP / CNRS / UPS.  Grâce à son spectromètre cryogénique, SPIRou est capable d’analyser la lumière thermique émise par la planète dans une nouvelle gamme de couleurs (infrarouge), et avec une résolution permettant l’identification de nombreuses molécules, comme l’eau, le monoxyde de carbone et le méthane.  L’équipe a observé Tau Boo 20 heures durant avec SPIRou au TCFH entre avril 2019 et juin 2020, mesurant l’abondance des principales molécules contenant du carbone ou de l’oxygène, les deux éléments les plus abondants dans l’univers après l’hydrogène et l’hélium, pour obtenir une description complète du contenu atmosphérique de Tau Boo b.

Contact IRAP

  • Jean-François Donati, jean-francois.donati@irap.omp.eu
  • Claire Moutou, claire.moutou@irap.omp.eu

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