Suivi de la naissance d’un volcan au large de Mayotte

Des analyses sismologiques ont permis de mettre en évidence les étapes de formation du nouveau volcan sous-marin au large de Mayotte et le drainage d’un réservoir de magma profond.

© équipe MAYOBS (CNRS/IPGP-Université de Paris/Ifremer/BRGM)

La naissance d’un nouveau volcan a été annoncée cette année après la campagne océanographique menée par l’IPGP en Mai 2019 (campagne MAYOBS1, effectué en sein d’un programme CNRS-INSU) au large de Mayotte. Une équipe internationale de scientifiques dirigée par Simone Cesca du Centre allemand de recherche en géosciences (GFZ), en collaboration avec l’Observatoire-Midi-Pyrénées (OMP) de Toulouse, s’est penché sur la sismicité associée à la formation de ce nouveau volcan l’année précédent la campagne, et a mis en lumière des mouvements de magma sous le fond marin avant et pendant l’éruption sous-marine qui a débuté en Juin 2018. Avec de nouvelles techniques d’analyses de données sismologiques adaptées pour compenser au manque d’instrumentation autour du volcan avant la campagne, les scientifiques arrivent à reconstruire les différentes étapes de la formation du volcan et le drainage d’un réservoir très profond (~ 30 km). C’est la plus grande éruption sous-marine (plus de 3,4 km3) enregistrée à ce jour. L’étude est publiée le 6 janvier 2020 dans la revue Nature Geoscience.

À partir de Mai 2018, de nombreux séismes ont été détectés au large de l’île de Mayotte, dans l’archipel des Comores, entre le continent Africain et Madagascar, dans une région ou l’activité sismique est habituellement faible. L’activité sismique a commencé par un « essaim » de milliers de séismes, le plus important avec une magnitude Mw 5.9. Des centaines de signaux sismologiques d’un type plus rare ont aussi été détectés, le premier en Janvier 2018, bien avant le début de la crise, la plupart à partir de Juin 2018. Ce sont des arrivées d’ondes monochromatiques, d’une durée de 20 à 30 minutes, appelés signaux très longue période (VLP, very low period), généralement associés à la résonance de structures volcaniques. L’énergie générée par les plus importants de ces VLPs est très importante (équivalent à l’énergie libérée d’un séisme de magnitude 5), générant des ondes de surface détectées partout sur Terre. C’est une observation inédite en sismologie. Début Juin 2018 également, un mouvement continu vers l’est et un affaissement de Mayotte ont commencé a être détectés à l’aide de stations GPS localisés sur l’île de Mayotte, avec un déplacement total de près de 20 cm jusqu’à aujourd’hui. Dès le début, ces observations mettaient donc en évidence un épisode magmatique d’une très grande ampleur.

Une équipe internationale dirigée par des scientifiques de GFZ a donc analysé les données sismologiques et géodésiques de la région pour étudier l’évolution temporelle de la crise. En l’absence d’un réseau local peu dense, l’analyse sismologique s’est appuyée sur l’élaboration de méthodes innovantes, combinant les données locales disponibles avec des données régionales (des capteurs à Madagascar et sur le continent Africain) et même un réseau de capteurs de haute qualité localisé au Kazagsthan. L’équipe a ainsi pu identifier les différentes phases de la crise volcanique de l’année 2018 jusqu’en Mars 2019. Tout d’abord, l’observation d’une migration rapide et ascendante de la sismicité en Mai-Juin 2018 a indiqué une propagation du magma depuis 30km de profondeur environ jusqu’au plancher océanique, créant un volcan sous-marin (La campagne océanographique est ensuite venue confirmer cette observation, la migration du magma estimé par cette étude est en effet bien localisé au niveau de l’édifice volcanique). Une fois le conduit formé et un passage ouvert pour le magma vers la surface, l’éruption a commencé en Juin 2018 et le magma a commencé à sortir sans difficulté, entraînant une diminution de l’activité sismique (liée à l’ouverture du conduit) et un affaissement du fond océanique détecté à l’aide des stations GPS.

A partir de septembre 2018, une autre phase a commencée, avec un regain de sismicité, plus proche de Mayotte et en profondeur, du au drainage et à l’effondrement en profondeur du réservoir magmatique s’étendant entre l’île de Mayotte et le volcan. Le nombre de VLPs a aussi augmenté. L’équipe avance l’hypothèse qu’ils sont la manifestation du réservoir magmatique entrant en résonnance lors du drainage du magma. Lors de l’effondrement du réservoir, les propriétés de cette structure résonante changent donc, ce qui est bien observé sur les données, avec une augmentation régulière de la fréquence de résonance des VLPs à partir de septembre 2018.

L’équipe a ainsi pu reconstruire les différents processus de la mise en place du volcan au large de Mayotte et du drainage d’un réservoir très profond (~ 30 km). C’est la plus grande éruption sous-marine jamais enregistrée à ce jour (plus de 3,4 km3). Les auteurs identifient un risque potentiel du à l’effondrement du réservoir à proximité de l’île de Mayotte. Ils démontrent aussi qu’il est possible de détecter des épisodes volcano-tectoniques en mer, même sans un réseau de surveillance local, et de les étudier efficacement en s’appuyant sur l’analyse de signaux faibles enregistrées à partir des réseaux globaux.

Ressources complémentaires

Contact IRAP

  • Jean Letort, jean.letort@irap.omp.eu

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