Quand l’Univers s’illumine …

Des observations du ciel profond effectuées au moyen du spectrographe MUSE qui équipe le Very Large Telescope de l’ESO ont mis à jour l’existence de vastes réservoirs cosmiques d’hydrogène atomique en périphérie de lointaines galaxies. L’extrême sensibilité de MUSE a permis d’observer directement de minces nuages d’hydrogène émettant une raie Lyman alpha au sein de l’Univers jeune – révélant par la même que le rayonnement de la quasi-totalité du ciel nocturne est invisible.

Grâce à l’instrument MUSE installé sur le Very Large Telescope (VLT) de l’ESO, une équipe internationale d’astronomes a découvert un excès inattendu d’émission Lyman-alpha au sein du Champ Ultra Profond d’Hubble (HUDF). Cette émission couvre la quasi-totalité du champ de vue – ce qui a conduit l’équipe à supposer que la presque totalité du ciel est emplie d’un rayonnement invisible de type Lyman alpha issu de l’Univers jeune [1].

Les astronomes ont la coutume d’observer un ciel dont l’aspect diffère suivant la longueur d’onde considérée. L’ampleur de l’émission Lyman alpha observée les a toutefois particulièrement surpris. “Réaliser que le ciel dans son ensemble rayonne à des longueurs d’onde visibles en observant l’émission Lyman alpha en provenance des lointains nuages d’hydrogène fut une réelle surprise” explique Kasper Borello Schmidt, l’un des membres de l’équipe d’astronomes à l’origine de cette découverte.

Il s’agit là d’une grande découverte !” ajoute Themiya Nanayakkara, un autre membre de l’équipe. “La prochaine fois que vous regarderez un ciel sombre, sans Lune, peuplé d’étoiles, imaginez l’invisible lueur de l’hydrogène : le premier élément constitutif de l’Univers, baignant la quasi-totalité du ciel nocturne.”

La région UHDF observée par l’équipe se situe dans la constellation du Fourneau. Cette région peu remarquable du ciel fut cartographiée par le Télescope Spatial Hubble du consortium NASA/ESA en 2004 : 270 heures d’observation avaient alors permis à Hubble de la scruter en profondeur.

Les observations UHDF ont révélé l’existence de milliers de galaxies à l’arrière-plan d’une petite zone sombre du ciel, nous donnant un aperçu des vastes dimensions de l’Univers. Les exceptionnelles performances de MUSE nous ont récemment permis de sonder cette région plus en profondeur. La détection de l’émission Lyman alpha au sein de l’UHDF est une première : cette raie de faible intensité en provenance des enveloppes gazeuses des premières galaxies n’avait jamais été observée auparavant. Cette image composite montre le rayonnement Lyman alpha de couleur bleue, superposé à la célèbre image UHDF.

MUSE, l’instrument à l’origine de ces dernières observations, est un spectrographe de champ intégral de dernière génération installé sur la quatrième Unité Télescopique du VLT à l’Observatoire Paranal de l’ESO [2]. Lorsque MUSE observe le ciel, il décompose la lumière frappant chaque pixel du détecteur en ses composantes de différentes couleurs. Le fait d’observer l’intégralité du spectre de lumière en provenance des objets astronomiques nous offre un aperçu des processus astrophysiques se produisant dans l’Univers [3].

Grâce aux observations de MUSE, nous disposons d’une toute nouvelle vision des cocons de gaz diffus qui entourent les galaxies de l’Univers jeune” précise Philippe Richter, un autre membre de l’équipe.

L’équipe internationale d’astronomes qui a effectué ces observations a tenté d’identifier la raison pour laquelle ces lointains nuages d’hydrogène émettent une raie Lyman alpha. L’origine précise demeure toutefois mystérieuse. Cette faible lueur emplissant la quasi-totalité du ciel nocturne, des travaux ultérieurs devraient permettre d’en déterminer l’exacte origine.

A l’avenir, nous prévoyons d’effectuer des mesures plus précises encore” conclut Lutz Wisotzki, qui pilote l’équipe. “Nous voulons connaître la distribution spatiale de ces vastes réservoirs cosmiques d’hydrogène atomique.”

Note

  • [1] La lumière se propage à une vitesse étonnamment élevée mais finie. Cela signifie que la lumière captée sur Terre a mis beaucoup de temps à voyager depuis les galaxies distantes, nous offrant une fenêtre sur le passé, lorsque l’Univers était beaucoup plus jeune.”
  • [2] Yepun, la quatrième unité télescopique du VLT, est équipée d’un ensemble d’instruments scientifiques exceptionnels et de systèmes technologiquement avancés, parmi lesquels figure l’Installation d’Optique Adaptative qui a récemment reçu le Prix Paul F. Forman 2018 de la Société Optique Américaine.
  • [3] La raie Lyman alpha observée par MUSE est émise lorsque se produisent des transitions électroniques au sein des atomes d’hydrogène. Ces transitions s’accompagnent de l’émission de lumière à la longueur d’onde de 122 nanomètres. Cette lumière se trouve totalement absorbée par l’atmosphère de la Terre. Seule l’émission Lyman alpha « redshiftée » – décalée vers le rouge – en provenance des galaxies extrêmement lointaines dispose d’une longueur d’onde suffisante pour traverser l’atmosphère terrestre sans être absorbée et finalement être détectée par les télescopes au sol de l’ESO.

Contacts IRAP

  • Nicolas Bouché, nicolas.bouche@irap.omp.eu
  • Thierry Contini, thierry.contini@irap.omp.eu

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