Une étoile avalée par un nouveau type de trous noirs

En utilisant les données de l’observatoire XMM-Newton de l’Agence Spatiale Européenne, une équipe internationale de chercheurs, incluant trois chercheurs de l’IRAP, a surpris un trou noir d’un nouveau type (un trou noir de masse intermédiaire) en train de festoyer des restes d’une étoile passant trop près.

Découverte d’un trou noir de masse intermédiaire, une nouvelle classe de trous noirs. Une équipe internationale a découvert en utilisant les données de l’observatoire Européen à rayons X XMM-Newton un candidat trou noir très intéressant appartenant a une nouvelle classe, les trous noirs de masse intermédiaire. Ce trou noir d’une masse de 50000 fois la masse de notre Soleil et situé en périphérie d’une galaxie a été détecté en train de festoyer des restes d’une étoile qu’il a disloqué, produisant ainsi un fantastique sursaut de lumière observable à la distance vertigineuse de 760 millions d’années-lumière de la Terre. La galaxie hôte a pour nom 6dFGS gJ215022.2-055059 (apparaissant en jaune/blanc au centre de l’image) et la source à rayons X associée au trou noir est identifiée comme 3XMM J215022.4−055108 (en violet). Crédit: ESA/Hubble & NASA/Chandra

Deux variétés de trous noirs ont été détectées jusqu’à présent : les trous noirs supermassifs (environ un million à dix milliards de fois la masse du Soleil) au centre des galaxies et les trous noirs stellaires plus légers (de 3 à 100 fois la masse du Soleil) résultant de la fin de vie d’étoiles ayant des masses au moins 10 fois plus grandes que notre Soleil. Entre ces deux extrêmes, une classe de trous noirs, dits de masse intermédiaire et potentiels chaînons manquants pouvant expliquer la formation des ogres supermassifs, s’est longtemps dérobée aux yeux des astronomes. On ne connaît ainsi que quelques candidats crédibles dont la source HLX-1 dans la galaxie ESO 243-49 découverte à l’IRAP.

Une équipe de recherche internationale a observé, grâce aux observatoires à rayons X XMM-Newton de l’Agence Spatiale Européenne, Chandra & Swift Neil Gehrels de la NASA, un énorme sursaut de lumière provenant d’une source se trouvant à la périphérie d’une galaxie lointaine et marquant le festin d’un trou noir de masse intermédiaire dévorant une étoile qui s’en était trop approchée.

« C’est une découverte très excitante : c’est la première fois qu’un tel trou noir est vu en train de dévorer une étoile », déclare Dacheng Lin de l’université du New Hampshire (États-Unis), le premier auteur/coordinateur de cette étude. « Quelques candidats ont déjà été trouvés par le passé, mais ce type de trous noirs reste particulièrement difficile à détecter. Cette découverte est parmi les plus importantes de ces dernières années ! ».

Plusieurs scenarii ont été invoqués pour expliquer la formation des trous noirs de masse intermédiaire, dont la fusion de plusieurs étoiles massives se trouvant au cœur d’amas d’étoiles très denses. Ces amas constituent donc une cible de choix pour rechercher de tels trous noirs. Cependant, le manque de gaz dans le cœur de ces amas en général empêche le trou noir de se nourrir et de se signaler aux scientifiques par la lumière émise lorsque ce gaz est absorbé par le trou noir. Ceci rend alors leur détection virtuellement impossible avec les moyens actuels.

“Une méthode alternative pour les détecter est d’attendre qu’une étoile de l’amas passe si prés d’un trou noir de masse intermédiaire qu’elle se fera dévorer/disloquer. Cela génère alors de brusques et énormes bouffées de lumière en particulier en rayons X que nous pouvons alors observer,” ajoute Dacheng Lin. “Ce type d’évènements rares n’avait jusqu’à présent été vu qu’au centre de galaxies et impliquait un trou noir supermassif”.

Dacheng Lin et ses collègues ont découvert cet événement rare (répondant au doux nom de 3XMM J215022.4−055108) des données d’archive de l’observatoire à rayons X XMM-Newton collectées entre 2006 et 2009. Ils ont également utilisé les données provenant des observatoires Chandra (en 2006 & 2016) et Swift (en 2014).

« Nous avons analysé des images de la galaxie hôte prises dans le visible par plusieurs télescopes sur plusieurs années pour étudier plus finement le comportement de cet objet unique », déclare Jay Strader de l’université de l’état du Michagan (États-Unis), un des co-auteurs de l’étude. « Nous avons repéré que la source était devenue beaucoup plus brillante sur deux images prises en 2005. En combinant toutes les données disponibles, nous en avons conclu que l’étoile avait été disloquée par le trou noir autour d’octobre 2003 et que cela a produit un énorme sursaut de lumière dont l’intensité continue à diminuer depuis plus de 10 ans, mais reste toujours détectable. »

Le trou noir responsable de la dislocation de l’étoile pèserait environ 50000 fois la masse de notre Soleil et se situe dans un amas d’étoiles se trouvant en périphérie de la galaxie 6dFGS gJ215022.2-055059 elle-même située à quelques 760 millions d’années-lumière de la Terre.

A part la dislocation d’une étoile par un trou noir de masse intermédiaire, le seul phénomène pouvant expliquer les observations implique le refroidissement d’une étoile à neutrons se trouvant dans notre Galaxie après qu’elle ait été chauffée par la chute importante sur sa surface de matière provenant d’une étoile compagnon. Si cela avait été le cas, un sursaut de lumière encore plus intense aurait dû se produire avant celui détecté. « Cependant, nous n’avons trouvé aucun signe d’un tel sursaut dans les données; ce qui nous permet d’invalider cette explication. » déclare Jay Strader.

Les dislocations d’étoiles par des trous noirs de masse intermédiaire sont des événements rares. Le fait d’en avoir la confirmation avec cet événement suggère qu’il existerait une population de tels trou noirs dormants situés en périphérie de leur galaxie hôte.

“Ce candidat trou noir de masse intermédiaire a été découvert après une recherche minutieuse dans le catalogue de sources à rayons X d’XMM-Newton (3XMM) contenant plus de 500000 sources réparties sur tout le ciel. Ces données de très bonne qualité ont permis de peser ce trou noir et de comprendre l’origine du sursaut de lumière observé,” indique Norbert Schartel, le responsable scientifique de la mission XMM-Newton travaillant pour l’Agence Spatiale Européenne.

« Le catalogue des sources d’XMM-Newton est produit sous notre responsabilité à l’IRAP. Dans les centaines de milliers de sources X inconnues se cachent des objets exotiques dont la nature sera révélée par des études de longue haleine du type de celle ayant amené à l’observation de ce nouveau type de trous noirs » indique Natalie Webb, responsable scientifique du XMM-Newton Survey Science Center.

L’étude a utilisé les données provenant des observatoires à rayons X, XMM-Newton de l’Agence Spatiale Européenne, Chandra & Swift Neil Gehrels de la NASA ainsi que des images prises par le télescope Canada-France-Hawaii, le télescope Hubble de la NASA, le télescope Subaru, le Southern Astrophysical Research (SOAR) Telescope, et l’observatoire Gemini.

Ressources complémentaires

Contacts IRAP

  • Natalie Webb, Olivier Godet & Didier Barret, Institut de Recherche en Astrophysique & Planétologie (IRAP)
  • Emails : nwebb@irap.omp.eu / ogodet@irap.omp.eu / dbarret@irap.omp.eu
  • Tel : 0561557570 / 0561557536 / 0561558561

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