Interactions entre enveloppes solides et fluides lors des stades juvéniles de Mars déduites des résultats des missions MSL et Mars 2020 -Confrontations des données observationnelles et approche expérimentale.

Doctorant : LOCHE Matteo

Directeur de thèse : COUSIN Agnès et FABRE Sébastien

Début de thèse : Octobre 2021

Groupe thématique : PEPS (ChemCam/SuperCam)

La thèse proposée a pour objectif d’étudier {identifier, caractériser, interpréter) les phases secondaires issues de l’altération des minéraux constitutifs de la croûte martienne, qui seront détectées dans les roches et sédiments du cratère Jezero (argiles, carbonates, sulfates, oxydes de fer, manganèse, phosphates, etc.), dans le but de contraindre l’environnement dans lequel elles se sont formées, et de déceler
de possibles variations de cet environnement. Cette étude pourra éclairer le choix des échantillons à prélever.

Avec l’atterrissage réussi du robot Perseverance à la surface de Mars le 18 février 2021 , une moisson de nouvelles données commence à être collectée pour étudier l’environnement passé de Mars, à une époque où son climat a permis la persistance d’eau liquide à sa surface.
Plus précisément, l’objectif de Perseverance est d’explorer le cratère de Jezero, qui a été rempli à plusieurs reprises par les eaux d’un lac, et ceci il y a un peu plus de 3,5 milliards d’années, à une époque où les plus anciennes traces de vie ont été détectées sur Terre. Ces paléo-lacs ont laissé à la fois des traces éomorphologiques, sédimentaires (présence d’un delta d’une dizaine de km de large) et des traces minéralogiques (présence d’argiles dans les dépôts deltaïques et de carbonates sur les probables anciennes lignes de rivage) qui représentent les cibles prioritaires de la mission, puisque Perseverance a aussi pour objectif de sélectionner et collecter (sur une période 3 à 6 ans) une série d’échantillons les plus susceptibles d’avoir conservé de possibles bio-signatures, et dont une trentaine seront ramenés
sur Terre à l’horizon des années 2030. Outre leur rôle dans la sélection des échantillons, les instruments constituant la charge utile du rover ont aussi pour rôle de documenter le contexte géologique et géochimique de ces échantillons de roches et de régolithe, sur de multiples échelles spatiales {de l’échelle submillimétrique à l’échelle kilométrique, voire régionale).
L’instrument SuperCam, conçu et développé à l’IRAP, en partenariat avec le Los Alamos National Laboratory aux Etats-Unis, fait partie des sept instruments scientifiques embarqués sur cette mission. Il combine analyses chimiques par technique LIBS (Laser lnduced Breakdown Spectroscopy), analyses minéralogiques par spectroscopie de réflectance Infrarouge, spectroscopie Raman et spectroscopie
de fluorescence, imagerie couleur et analyses acoustiques (microphone). Il est l’unique instrument de la mission couplant mesures chimiques et minéralogiques, et permettant de réaliser des analyses à distance du rover (quelques mètres pour les analyses LIBS et Raman, et jusqu’à plusieurs kilomètres pour les analyses visibles et infrarouge). Les premiers tests réalisés à la surface de Mars montrent
que l’instrument a survécu au voyage vers Mars et à l’atterrissage sans encombre, et qu’il est parfaitement fonctionnel. Le parcours suivi par le rover dans le cratère Jezero devrait permettre d’établir un log géologique depuis la base du cratère jusqu’aux remparts de celui-ci, en parcourant les différents faciès du delta, et même la plaine plus ancienne de Nili Planum, à la périphérie du cratère. SuperCam en détaillera la chimie et la minéralogie, en analysant probablement plusieurs milliers de roches.

Pour remplir cet objectif, la thèse s’appuiera sur trois approches. D’une part, le doctorant contribuera à l’analyse de premier ordre des données chimiques et minéralogiques collectées par SuperCam, de façon à identifier et caractériser les phases secondaires observées.
En appui à ces observations, l’étudiant prendra une part active aux opérations de l’instrument. Il pourra aussi s’appuyer sur les analyses réalisées par les autres instruments du rover et par les imageurs infrarouges embarqués à bord de satellites. La comparaison de la composition des phases secondaires et des affleurements de roches présents aux alentours permettra également de déterminer leur
nature détritique ou authigène, et donc de mieux comprendre le cycle hydrologique local.
D’autre part, le doctorant testera les scénarios de formation des phases secondaires observées au moyen de codes de calcul géochimique (PHREEQC et PHREEPLOT). Enfin, il sera amené à réaliser des expériences d’altération en atmosphère contrôlée reproduisant les conditions martiennes primitives pour valider les chemins réactionnels envisagés (l’IRAP possède une plateforme expérimentale dotée
d’enceintes à atmosphère contrôlée).
Les résultats de cette étude pourront être mis en perspective en comparant les phases secondaires observées dans les sédiments lacustres du cratère de Jezero et du cratère de Gale (un peu plus récent dans l’histoire de Mars), le site exploré par le rover Curiosity, qui possède à son bord l’instrument ChemCam, également développé à l’IRAP, et dont le mode LIBS est très similaire à celui de SuperCam
( ce qui permettra des comparaisons directes). En particulier, on pourra se demander si les argiles détectées sur ces deux sites sont de même nature, si elles se sont formées dans les mêmes conditions, et essayer de comprendre pourquoi des carbonates ont pu se former dans Jezero, et pas dans Gale, et voir si cela indique une évolution globale de l’environnement martien à l’échelle de quelques centaines
de millions d’années. Enfin, l’étude pourra être complétée par l’examen l’échantillons terrestres datant du Précambrien. En effet, cette période géologique présente des sédiments (dépôts géants de Mn, fer rubanés) faisant écho à certaines phases secondaires rencontrées sur Mars, et sans équivalents dans l’histoire géologique terrestre ultérieure, du fait de conditions qui ne sont pas sans rappeler Mars, comme la richesse en C02, et la faible pression partielle en 02. Ainsi, une comparaison fructueuse entre les premiers stades de l’histoire
géologique des deux planètes pourrait être menée.

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