Les tornades solaires ne sont pas des tornades !

Contre toute apparence, les « tornades solaires » ne tournent pas. C’est la conclusion des travaux menés par une équipe de chercheurs européens comprenant un astronome de l’IRAP (CNRS & Université Paul Sabatier de Toulouse), et rapportée le vendredi 6 avril 2018, à la conférence European Week of Astronomy and Space Science (EWASS) à Liverpool.

Image composite d’une protubérance observée le 15 Juillet 2014 montrant en vert les observations coronales de EIS, en rouge celles en UV de IRIS et en bleue celles de Hinode/SOT (plasma à 10 000 degrés) . Les contours blancs localisent les tornades dans l’image faite en He D3 par THEMIS. Le fond de l’image en gris est donné par l’instrument SDO/AIA observant le plasma à 100 000 degrés

Une récente analyse des tornades solaires, structures observées à la surface du Soleil, gigantesques par leur taille pouvant atteindre plusieurs fois celle de la Terre, montre que ce phénomène a été mal décrit, car observé uniquement sur des images en deux dimensions. Le phénomène a été observé pour la première fois au début du XXe siècle, à la surface du Soleil. Plus récemment, il a été filmé de près grâce à des instruments comme AIA équipant la sonde SDO de la NASA (Solar Dynamics Observatory), mais continuait d’être appelé « tornade » par les scientifiques, à tort. Les films montrent en effet un plasma très chaud, visible en lumière ultra-violette, qui en apparence tourne sur lui-même en formant des structures géantes, à l’image des tornades qui surviennent sur la Terre.

Pour appréhender plus en détail ce phénomène, les scientifiques ont alors cherché à obtenir une troisième dimension, en combinant des données observationnelles, recueillies depuis plusieurs années sur différents types d’instruments au sol (Tour solaire de l’Observatoire de Paris, spectrohéliographe de l’Observatoire de Paris, télescope solaire Thémis de l’Observatoire du Teide) et dans l’espace (satellites SDO, Hinode et IRIS). En déterminant l’effet Doppler, ils ont pu calculer la vitesse du plasma (40 kilomètres par seconde) ainsi que la direction de son mouvement, sa température et sa densité. Ils sont ainsi parvenus à « reconstruire » la structure magnétique complète qui soutient ces masses géantes. Ils en ont déduit qu’il s’agissait de structures bien connues par ailleurs et étudiées sous le nom de « protubérances ».

Les tornades géantes solaires, désormais rebaptisées « protubérances en tornade »,ont été observées pour la première fois sur le Soleil il y a environ un siècle. Elles avaient ainsi été nommées en raison du mouvement apparent de leur rotation,  semblable à celui des tornades terrestres, mais cette perception était erronée. De fait, la comparaison avec des tornades terrestres s’avère abusive. Alors que celles-ci sont provoquées par des vents intenses, les protubérances-tornades solaires se forment à partir de gaz magnétisés enracinés sous la surface du Soleil, sans déplacement. Ce sont en fait les pieds des protubérances. « Pour une fois, la réalité est beaucoup plus simple que ce que l’on a cru observer », commente Brigitte Schmieder, astronome de l’Observatoire de Paris – PSL. « Nous voyons qu’en dépit de l’apparence verticale des tornades et des protubérances au bord du Soleil, le champ magnétique qui les soutient n’est pas vertical, comme il semblait, mais horizontal, parallèle au bord du Soleil. Leur apparente verticalité est un effet dû à la projection de toutes les structures sur le plan du ciel.’’ explique Nicolas Labrosse, chercheur à l’Université de Glasgow (School of Physics and Astronomy).

« Cet effet est similaire aux trainées d’un avion laissées dans le ciel. Si l’avion vole toujours à la même altitude, sa trainée semble s’interrompre sur la ligne d’horizon. Cela ne veut pas pour autant dire que l’avion s’est écrasé au sol. », précise Arturo López Ariste, chercheur CNRS à l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (Université de Toulouse). « Ces protubérances-tornades peuvent être stables pendant plusieurs jours et mois, avant d’exploser et de provoquer des éjections de masse coronale dont les conséquences dans l’environnement terrestre sont connues au titre de la météorologie spatiale », souligne Brigitte Schmieder. « Elles peuvent entrainer des perturbations dans les centrales électriques, les satellites et les réseaux de communications sur Terre ».

Ressources complémentaires

Le résultat de ces travaux a fait l’objet d’un ensemble de cinq publications :

  • B. Schmieder, M. Zapior, A. Lopez Ariste, P. Levens, N. Labrosse, R. Gravet, “Reconstruction of a helical prominence in 3D from IRIS spectra and images” ; A&A, 606, A30 (2017). aa30839-17.pdf 3,23 MB
  • B. Schmieder, P. Mein, N. Mein, P. Levens, A. Lopez Ariste, N. Labrosse, L. Ofman, “H alpha Doppler shifts in a tornado in the solar corona” ; A&A, 597, 109 (2017)
  • P. Levens, B. Schmieder, N. Labrosse, A. Lopez Ariste, “Structure of prominence legs : plasma and magnetic fields” ; ApJ, 818, 31 (2016)
  • P. Levens, B. Schmieder, A. Lopez Ariste, N. Labrosse, K. Dalmasse, B. Gelly, “Magnetic field in atypical prominences : Bubble, tornado and eruption” ; ApJ, 826, 164 (2016)
  • P. Levens, N. Labrosse, B. Schmieder, A. Lopez Ariste, L. Fletcher, “Comparison between UV/EUV line parameters and magnetic field parameters in a quiescent prominence with tornadoes” ; A&A, 607, A16 (2017)
  • Vidéo : Les tornades solaires ne sont pas des tornades
  • Article de Presse : Tornades solaires : les scientifiques avaient tout faux !

Contact IRAP

  • Dr Arturo López Ariste, Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie, Université de Toulouse, CNRS, CNES, France

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