Des ondes singulières pour chauffer la couronne solaire

Les superoscillations, un surprenant effet ondulatoire récemment découvert en physique, pourraient être l’un des mécanismes responsables de la dissipation des ondes dans la couronne solaire et donc du chauffage coronal. Des chercheurs de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie de Toulouse (IRAP) ont montré dans un article publié dans la revue  Astronomy & Astrophysics que ces superoscillations chauffent le plasma coronal bien au-delà des pertes pendant des courts périodes de temps dans des zones petites suivant les lignes de champ : c’est la description des boucles coronales à haute température qui semblent ainsi s’expliquer naturellement.

Comment une étoile, le Soleil, avec une température de surface de l’ordre de 6000K arrive à chauffer la couronne à des températures 300 à 1000 fois supérieures ? C’est le problème du chauffage coronal qui intrigue les physiciens solaires depuis 50 ans. L’énergie nécessaire à ce chauffage se trouve, il n’y a pas de doute, dans le mouvement du plasma photosphérique. Pour l’acheminer vers la couronne le champ magnétique sert de guide. Mais une fois dans la couronne, comment est cette énergie déposée. Une possibilité est que les lignes de champ magnétique entrainées par les mouvements photosphériques, finissent par se croiser dans la couronne. C’est le phénomène de reconnexion magnétique qui libère l’énergie alors de façon très efficace. Mais bien que observé, ce phénomène n’est pas présent par tout ni tout le temps. Une autre possibilité profiterait des ondes qui se propagent le long des lignes de champ vers la couronne tout le temps et par toute la couronne, mais par quels mécanismes se dissipent-elles ?

L’intérêt pour des ondes qui portent des singularités de la phase, dites dislocations, n’a cessé de grandir depuis la découverte des vortex de lumière dans les années 90. Dans la trainée de ces découvertes en optique, des ondes disloquées en tous genres ont été observées. Notre équipe les a vues et décrites dans les ondes magnetoacoustiques qui se propagent dans le plasma solaire. Récemment, associés à ces singularités, on a aussi découvert une propriété très étonnante. Ces ondes pouvaient osciller, localement, plus vite que sa plus grande fréquence dans le spectre de Fourier : c’est ce que l’on appelle une super oscillation. D’abord une surprise mathématique, ces superoscillations commencent à être observés et comprises dans la lumière ou dans les ondes sonores. Sans surprises, les ondes magnetoacoustiques de l’atmosphère solaire montrent aussi des phénomènes de super oscillation.

En présence de phénomènes visqueux, une onde se dissipe et il le fait plus efficacement à plus haute fréquence. Serait ceci la façon efficace de dissiper les ondes dans la couronne solaire ? C’est ce que nous nous avons cherché à comprendre. Le résultat est que les superoscillations existent dans les ondes de la couronne solaire, la fréquence augmente localement un facteur 10, et les périodes passent des 3 minutes caractéristiques aux surprenants 10 secondes. La dissipation explose à ces fréquences et l’onde se dissipe quasi complètement. L’énergie déposée dépasse alors toutes les pertes radiatives et convectives et la température du plasma augmente rapidement vers les quelques millions de dégrés.

Ce chauffage explosif n’a lieu par contre qu’en une toute petite région et pendant des périodes de temps très courtes. La chaleur est ensuite propagée le long des lignes de champ donnant lieu à une ligne chaude très étroite qui relie les régions actives solaires. De façon inattendue, nous avons ici une description des boucles coronales, dont sa taille échappe encore à d’autres explications (voir image)

L’étonnant phénomène de superoscillations associées à des ondes portant une singularité pourrait donc être le mécanisme qui dépose l’énergie des ondes magnetoacoustiques dans la couronne solaire.

Contact :

  • Arturo Lopez Ariste, Chercheur CNRS, alopezariste@gmail.com

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