Grâce à Rosetta, la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko continue de livrer ses secrets

Grâce à Rosetta, la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko continue de livrer ses secrets

Plusieurs équipes de chercheurs français du LATMOS1, LPC2E2, CRPG3, LAM4, IRAP5 impliqués dans l’analyse des observations effectuées par les instruments embarqués à bord de la sonde Rosetta (ESA) nous révèlent l’absence de lien pour certains éléments chimiques entre notre Terre et les atmosphères cométaires. Dans le même temps, des chercheurs de l’Observatoire de la Côte d’Azur ont montré que l’activité précoce de la comète est due aux fortes variations de température engendrées par les processus d’ombrage de la surface topographique. Ces travaux sont parus dans les revues Science et The Astrophysical Journal Letters, 810 :L22

Froids et inactifs loin du soleil, les noyaux cométaires glacés se vaporisent à l’approche du système solaire interne, libérant sous l’effet des radiations solaires un flux de gaz et de poussières. La chevelure et la queue de la comète ainsi formées, la coma, les différencient alors des autres petits corps inactifs du système solaire : les astéroïdes.

L’eau, le carbone, l’azote terrestre ne seraient pas d’origine cométaire

L’instrument ROSINA développé par une équipe internationale sous la coordination de Kathrin Altwegg (Université de Berne, Suisse) et embarqué à bord de la sonde ROSETTA, analyse ainsi la composition des gaz de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko par spectrométrie de masse. Cet instrument permet l’analyse élémentaire et isotopique de ces gaz.

Les résultats montrent que la glace cométaire est riche en deutérium, avec un rapport Deutérium/Hydrogène trois fois supérieur à la valeur des océans terrestres, ce qui interdit une filiation directe entre ce type de comète et l’eau terrestre6.

Par ailleurs, pour la première fois un gaz rare, l’argon a été détecté dans une coma cométaire, et ce, en grande quantité7. Les gaz rares sont importants en tant que traceurs de l’origine et de l’évolution des atmosphères des planètes internes (Vénus la Terre et Mars).  Cette mesure d’argon confirme pleinement que les éléments majeurs qui forment l’atmosphère terrestre et les océans (l’eau, le carbone, et l’azote) ne peuvent provenir de comètes de type 67P, et auraient été apportés par des astéroïdes riches en volatils. Par contre, elles suggèrent qu’une fraction importante des gaz rares sont d’origine cométaire (Marty et al., soumis).

 Cet instrument a également mesuré en continu la composition de la coma (H2O, CO2, CO, N2…)8 et a montré son hétérogénéité chimique. Ces mesures permettent de mieux connaître les conditions de formation de la glace cométaire, dont sa température (autour de 30-40 K)9.

L’activité de la comète trahie par son ombre…

L’imageur NAVCAM a révélé de façon inattendue que l’activité précoce de 67P, matérialisée par des jets de gaz et de poussières et encore mal comprise, se produisait principalement dans la zone concave du cou, entre les 2 lobes principaux (cf. Fig). Or, cette région est la moins exposée au Soleil et devrait être en moyenne plus froide, et donc moins propice à  la sublimation de la glace que les autres régions de la comète.

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Comparaison entre la carte de variation de température (∆T/∆t)max à la surface de 67P durant la période de août-décembre 2014 et une image de 67P prise le 2 septembre 2014 (© ESA/Rosetta/Navcam/Bob King).

Pour comprendre ce paradoxe les chercheurs de l’Observatoire de la Côte d’Azur10 ont utilisé un modèle thermophysique prenant en compte la conductivité thermique et la topographie complexe de la comète pour calculer une carte de température de sa surface au cours de ses rotations. Ce modèle leur a permis de mettre en évidence que la région du cou présentait entre août et décembre 2014 les variations de température les plus rapides en réponse au processus d’ombrage par les terrains environnants. Une nouvelle relation de cause à effet est donc mise au jour entre ces variations thermiques de surface et l’activité précoce de la comète.

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Variation de température (∆T/∆t)max à la surface de 67P durant la période de août-décembre 2014 © Marco Delbo et Victor Ali-Lagoa/Observatoire de la Côte d’Azur.

Il a déjà été observé que des variations rapides de température peuvent induire de la fracturation à la surface des petits corps du système solaire (Delbo et al. 2014). Les auteurs proposent dans cet article que le taux d’érosion de la surface de la comète, lié à cette fracturation thermique, soit plus élevé dans le cou qu’ailleurs. Cette fracturation du matériau de surface permet la pénétration des radiations solaires plus en profondeur. Ceci expliquerait pourquoi la région du cou révèle à l’analyse plus de glace que les autres régions et pourquoi elle est la principale source de gaz de la comète (cf. Fig). Plus généralement, ces résultats suggèrent que la fracturation par effet thermique (formation du régolite) doit être beaucoup plus rapide à la surface des corps sans atmosphère présentant des concavités importantes (formation d’ombre) que ne le prévoient les estimations actuellement disponibles.

Note(s): 

Les participants et laboratoires français de l’expérience Rosina

  • J.-J. Berthelier1, C. Briois2, B. Marty3, O. Mousis4, H. Rème5
  • 1-LATMOS/IPSL-CNRS-UPMC-UVSQ, 4 Avenue de Neptune, F-94100 Saint-Maur, France.
  • 2-Laboratoire de Physique et Chimie de l’Environnement et de l’Espace (LPC2E), UMR 6115 CNRS – Université d’Orléans, France.
  • 3-Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques, CRPG-CNRS, Université de Lorraine, 15 rue Notre Dame des Pauvres, BP 20, 54501 Vandoeuvre lès Nancy, France.
  • 4-Aix Marseille Université, CNRS, LAM (Laboratoire d’Astrophysique de Marseille) UMR 7326, 13388 Marseille, France.
  • 5-Université de Toulouse, CNRS–UPS-OMP–IRAP, 9 avenue du Colonel Roche, BP 44346, F-31028 Toulouse Cedex 4, France.

Ressources complémentaires

Contact IRAP

  • Henri Rème : henri.reme@irap.omp.eu

Auteur : CNRS-INSU

Date : 15/10/20152015/10/15

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