Des matériaux rares au service d’une mission spatiale. Du diamant à bord de la sonde JUICE.

Des matériaux rares au service d'une mission spatiale. Du diamant à bord de la sonde JUICE.

Pour les besoins de la mission JUICE (JUpiter ICy moon Explorer) de l’ESA, des chercheurs de l’IRAP (Université Paul Sabatier de Toulouse & CNRS) viennent de réaliser une campagne de tests inédits à l’ONERA (Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales, Toulouse). Ces tests avaient pour objectif de mesurer l’efficacité de sondes de Langmuir pour la première fois recouvertes d’or, de diamant ou encore de graphène. Ces matériaux rares et onéreux présentent des propriétés intéressantes. Sont-ils aussi efficaces que ceux traditionnellement utilisés pour déterminer les caractéristiques d’un plasma ?

Figure de droite : Vue d’artiste de la mission JUICE – Copyright: ESA/AOES

La mission JUICE (JUpiter ICy moon Explorer) a été sélectionnée en 2012 comme mission de classe L dans le cadre du programme Cosmic Vision de l’ESA. Huit années après son lancement prévu pour 2022, elle débutera son étude détaillée du système de Jupiter, véritable système solaire miniature. Ses analyses porteront plus particulièrement sur la magnétosphère jovienne ainsi que les trois satellites glacés que sont Ganymède, Callisto et Europe.

L’objectif de cette mission est de répondre aux questions suivantes du programme Cosmic Vision de l’ESA : Quelles sont les conditions nécessaires à la formation des planètes et à l’émergence de la vie ? Comment fonctionne le Système Solaire ?

A cet effet, divers instruments équiperont la sonde spatiale. Parmi ceux choisis pour contribuer à la mission JUICE figure l’expérience RPWI (Radio & Plasma Wave Investigation) (1), qui étudiera le plasma thermique ainsi que les champs électriques et magnétiques générés par les ondes radio, plasma et les impacts de micrométéorites. RPWI aura pour objectifs principaux, d’une part l’étude des interactions entre Jupiter et ses lunes (afin notamment de mieux caractériser les océans situés sous leur surface), d’autre part la compréhension de la dynamique magnétosphérique, de l’accélération des particules et des sources d’émissions d’ondes radio.

RPWI sera notamment équipé de quatre sondes de Langmuir (2) destinées à caractériser les régions de plasma froid (< 100 eV) du système jovien. Ces sondes permettront d’étudier l’origine, la structure, la dynamique ainsi que les sources/puits des ionosphères de Ganymède et Callisto. En résultera la description complète du plasma issu de l’ionisation des exosphères des lunes glacées de Jupiter ou présent dans la magnétosphère en rotation : densité, température, vitesse de dérive du plasma et masse ionique moyenne. Les sondes apporteront par ailleurs des réponses clés quant au phénomène d’érosion atmosphérique (échappement ionosphérique) de Ganymède.

Dans le cadre de missions spatiales passées ou en cours (Rosetta, MAVEN, Cassini…), la surface des sondes de Langmuir a souvent été recouverte de nitrure de titane ou de nitrure d’aluminium de titane. Les expériences réalisées au sein de l’installation JONAS de l’ONERA à Toulouse avaient pour but de tester l’efficacité d’autres matériaux : l’or, le diamant et le graphène – matériau « miracle » découvert dans les années 2000. Le diamant par exemple présente des propriétés intéressantes : dureté, résistance aux températures élevées. Enrichi d’azote ou de bore, il offre par ailleurs une grande conductivité électrique (3), comparable à celle de l’or. La fiabilité et la durabilité des instruments embarqués constituant l’une des clés du succès d’une mission spatiale, les sondes de Langmuir seront peut-être pour la toute première fois recouvertes de diamant.

JUICE

Dispositif ayant fait l’objet de tests à l’ONERA

Notes

(1) L’IRAP est impliqué dans la mission JUICE via deux consortiums différents, le consortium PEP (Particle Environment Package) et le consortium RPWI (Radio and Plasma Waves Instrument).

(2) Les sondes de Langmuir sont de petites boules conductrices métalliques montées au bout de mâts, auxquelles un potentiel électrique variable est appliqué pour attirer soit les ions (potentiel négatif) soit les électrons (potentiel positif) de l’environnement. La courbe du courant mesuré à la surface de ces sondes en fonction du potentiel électrique appliqué permet, par comparaison à des équations théoriques, de déterminer les paramètres du plasma environnant. La composition de surface des sondes est donc primordiale pour obtenir un signal de la meilleure qualité possible.

(3) La sonde JUICE sera équipée de quatre sondes de Langmuir – des sphères de 10 cm de diamètre attachées à l’extrémité de mâts de 3 mètres de long. Leur combinaison permettra de mesurer le champ électrique émis par l’océan situé sous la surface de Ganymède, de caractériser sa conductivité électrique, et donc de contraindre sa salinité.

Laboratoires impliqués

  • Center for nanoscale materials (CNM) at Argonne National Laboratory (ANL), Etats-Unis
  • Department of chemistry, inorganic chemistry, Uppsala University, Suède
  • Department of engineering sciences, division of electricity, Uppsala University, Suède
  • Department of engineering sciences, solid state electronics, Uppsala University, Suède
  • Swedish institute of space physics, Uppsala, Suède
  • Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP), Toulouse, France
  • Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales (ONERA), Toulouse, France

Personnels de l’IRAP impliqués

  • P. Garnier, N. André, O. Chassela, J. Rouzaud, E. Lecomte

Contact IRAP

  • Philippe Garnier, philippe.garnier@irap.omp.eu

Auteurs : Philippe Garnier et Karine Gadré

Date : 29/10/20152015/10/29

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