Planck et BICEP2/Keck collaborent et imposent une limite supérieure sur l’intensité des ondes gravitationnelles primordiales

Planck et BICEP2/Keck collaborent et imposent une limite supérieure sur l’intensité des ondes gravitationnelles primordiales

En combinant leurs données, les collaborations Planck et BICEP2/Keck ont montré que la détection des ondes gravitationnelles primordiales à travers l’observation de la polarisation du fond diffus cosmologique n’a pas encore eu lieu. Ce résultat offre le dénouement à un feuilleton scientifique qui a tenu en haleine cosmologues et passionnés. Le signal annoncé par l’équipe BICEP2 en mars 2014 ne peut pas être associé aux premiers instants du Big Bang, il provient essentiellement de notre galaxie et de distorsions gravitationnelles au cours de sa propagation jusqu’à nous. Ces résultats ont été soumis à la revue Physical Review Letter fin janvier 2015. La collaboration Planck de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), implique le CNRS, le CEA, le CNES et plusieurs universités françaises dont l’Université Paul Sabatier de Toulouse au travers de l’IRAP.

Le fond diffus cosmologique est le rayonnement fossile du Big-Bang, messager issu du lointain passé de l’Univers il y a 13,8 milliard d’années. Depuis sa découverte, il y a juste 50 ans, les cosmologistes n’ont eu de cesse de l’observer de plus en plus finement pour comprendre l’origine et le contenu de notre cosmos. Le satellite Planck de l’ESA l’a mesuré ces dernières années avec une précision sans précèdent et a déjà apporté son lot exceptionnel de découvertes, même si les données ne nous ont pas encore livré tous leurs secrets.

Le fond diffus est une image instantanée de l’Univers 380 000 ans après le Big-Bang. Les cosmologistes l’étudient pour remonter beaucoup plus loin encore dans le temps, de 380 000 ans jusqu’à l’époque d’origine de ses fluctuations. Il s’agit sans doute d’une phase d’expansion exponentielle pendant une infime fraction de seconde qu’ils appellent inflation, qui s’est naturellement accompagnée de la génération d’ondes gravitationnelles. Ces ondes se propagent dans l’Univers, déformant la trame de l’espace-temps. Elles sont beaucoup trop faibles pour être détectées aujourd’hui directement sur Terre, mais elles ont pu laisser une empreinte sur une autre quantité mesurable, la polarisation du fond diffus cosmologique, en particulier des modes spécifiques de polarisation, appelés modes B, qui sont au cœur des recherches menées par les collaborations Planck et BICEP2.

Mars 2014 – les détections de BICEP2

En Mars 2014, à l’issue de plusieurs années d’observation, l’équipe BICEP2, dont le télescope se situe au Pôle Sud, avait publié un résultat très médiatisé annonçant qu’un signal polarisé en modes B avait été détecté dans une région du ciel choisie pour être a priori peu contaminée par le rayonnement de notre Galaxie. L’interprétation de ce signal a initialement été annoncée comme une détection très probable des ondes gravitationnelles primordiales. Le doute s’est néanmoins installé rapidement dans la communauté scientifique car les observations de BICEP2 n’apportaient que très peu de contraintes sur la partie d’origine galactique du signal, contaminant potentiel pour l’observation des modes B. À tout le moins, les modes B de BICEP2 n’étaient-ils pas, au moins partiellement, un signal galactique ? L’équipe Planck était seule en mesure d’aborder cette question, grâce à ses données d’observation du ciel à une fréquence d’émission plus haute que celle de BICEP, où le signal galactique est dominant.

Septembre 2014 – Planck analyse la contribution galactique

Une première réponse est arrivée en septembre 2014 avec une publication Planck montrant que l’émission polarisée de la poussière Galactique est, sur la totalité du ciel, d’amplitude au moins comparable au signal mesuré par BICEP2, ne laissant donc aucune fenêtre totalement propre pour chercher les ondes gravitationnelles primordiales. Ce résultat statistique laissait néanmoins encore une incertitude quant à la nature du signal mesuré par BICEP2. Était-il possible de démontrer qu’au moins une partie du signal était le signal cosmologique recherché ?

Janvier 2015 – La collaboration Planck BICEP2/Keck porte ses fruits

Les équipes de Planck et de BICEP2 se sont alors jointes pour répondre à cette question. Au cœur de ce travail se trouvaient la carte du signal Galactique produite par Planck et celle du signal mesuré par BICEP2, complétées par de nouvelles observations obtenues depuis mars avec le télescope Keck également au Pôle Sud. La comparaison des trois jeux de données a alors permis de montrer que la contribution galactique est dominante aux échelles angulaires où le signal des ondes gravitationnelles primordiales est attendu.

planck

Cette image montre une zone du ciel proche du pôle Sud galactique basée sur les observations faites par Planck-HFI à 353 GHz. Les couleurs représentent l’émission de la poussière, une composante mineure mais cruciale du milieu interstellaire qui baigne la Voie Lactée. La texture, en revanche, montre l’orientation du champ magnétique galactique ; cette information est déduite de la direction de l’émission de lumière polarisée par les poussières. La région indiquée par le pointillé blanc est celle qui a été observée par les expériences Keck array et BICEP2 depuis le Pole Sud. © ESA / collaboration Planck Remerciements : M.-A. Miville-Deschênes, CNRS – Institut d’Astrophysique Spatiale, Université Paris-Sud, Orsay, France

Après correction de l’émission Galactique, une polarisation B du fond diffus cosmologique a bien été détectée, mais elle correspond au signal attendu associé à l’effet de lentille gravitationnelle exercé par la distribution de matière sur le chemin des photons jusqu’à nous. Ce signal se distingue de celui des ondes gravitationnelles primordiales par sa répartition en échelles angulaires. Il est à noter que cette détection directe, qui nous renseigne sur la distribution de la matière dans l’Univers, n’est pas la première détection de cet effet mais elle est de loin la plus précise réalisée à ce jour.
Ainsi, après élimination du signal galactique et de la contribution de l’effet de lentille, il résulte que les données ne permettent pas de détecter sans ambiguïté l’empreinte recherchée des ondes gravitationnelles. Cela ne signifie pourtant pas que ce signal n’existe pas, il est seulement trop faible pour être détecté avec ce jeu de données. En revanche, cela a permis à la collaboration Planck/BICEP2/Keck d’établir une limite supérieure pertinente à l’intensité des ondes gravitationnelles primordiales. Cette limite directe est en accord avec celle obtenue indirectement en 2013 par Planck seul sur la base des fluctuations en température du fond diffus. Ce résultat Planck était antérieur à la première publication BICEP2, mais il n’était pas considéré nécessairement en contradiction car il dépendait du modèle cosmologique utilisé dans l’analyse des données. Les nouvelles mesures directes montrent que le modèle cosmologique standard utilisé par Planck reste suffisant pour décrire l’ensemble des résultats.    
La quête des modes B du fond diffus cosmologique n’est pas terminée. Elle va continuer avec des observations toujours plus précises au sol et en ballon, et à plus long terme par satellite,  grâce au développement rapide des matrices de détecteurs. Mais le relevé Planck aux fréquences inaccessibles depuis le sol restera pour très longtemps la référence incontournable pour séparer les composantes cosmologiques et galactiques du signal.

Laboratoires impliqués:

  • IAP- Institut d’astrophysique de Paris (UPMC/CNRS)
  • IAS- Institut d’astrophysique spatiale (Université Paris Sud/CNRS)
  • APC- laboratoire Astroparticule et cosmologie (Université Paris Diderot/CNRS/CEA/Observatoire de Paris)
  • IRAP- Institut de recherche en astrophysique et planétologie (Université Paul Sabatier Tlse3/CNRS)
  • IPAG- Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (Université Joseph Fourier/CNRS)
  • LPSC– Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie (Université Joseph Fourier/CNRS/INP Grenoble)
  • LAL– Laboratoire de l’accélérateur linéaire (Université Paris Sud/CNRS)

Ressources complémentaires :

Contact IRAP :

  • Ludovic Montier : ludovic.montier@irap.omp.eu

Auteur : CNRS / INSU

Date : 02/02/20152015/02/02

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