Observer les premières galaxies

Observer les premières galaxies

Une équipe internationale d’astronomes menée par l’EPFL a découvert plus de 250 galaxies primitives, dont les plus petites galaxies naines de première génération jamais observées. Une découverte qui fournit des indices importants sur la nature de l’univers primordial.

Avant que la lumière ne le traverse, l’univers était plongé dans l’obscurité. Après le Big Bang et pendant environ un milliard d’années, le cosmos était enveloppé dans un épais brouillard de gaz d’hydrogène qui emprisonnait toute lumière. Mais lors de la formation des premières étoiles, l’hydrogène a commencé à se dissiper à travers un processus appelé «réionisation», et la lumière a pu s’échapper, éclairant l’univers. Cet événement a joué un rôle majeur dans la formation de l’univers tel que nous le connaissons. Grâce à des observations du télescope spatiale Hubble, une équipe d’astronomes menée par des chercheurs de l’EPFL a «remonté le temps » en découvrant plus de 250 des toutes premières galaxies naines, et a constaté que celles-ci jouaient un rôle essentiel dans le processus de réionisation. Cette recherche sera publiée dans la revue Astrophysical Journal.

L’hydrogène et les premières étoiles

La réionisation reste un mystère pour la communauté scientifique. Nous savons que l’univers était toujours très sombre 400 millions d’années après le Big Bang. Des protons et des neutrons s’étaient liées en atomes d’hydrogènes et d’hélium chargés électriquement, ou ionisés. Les ions ont commencé à attirer des électrons, et sont devenus des atomes électriquement neutres, créant un épais brouillard qui étouffait la lumière.

Petit à petit, les premières étoiles se sont formées, d’une taille sans doute 30 à 300 fois supérieure à notre propre soleil. Jeunes et gigantesques, elles brillaient d’une lumière intense mais brève, explosant en supernova. Le rayonnement électromagnétique énergétique qu’elles dégageaient, y compris de la lumière ultraviolette, a réionisé les atomes neutres d’hydrogène, et le brouillard s’est levé, laissant la lumière voyager aux confins de l’univers.

Regarder dans le passé

L’équipe internationale d’astronomes dirigée par Hakim Atek, du Laboratoire d’astrophysique de l’EPFL, a découvert plus de 250 galaxies primitives entre 600 et 900 millions d’années seulement après le Big Bang. Les chercheurs ont utilisé le télescope spatiale Hubble pour étudier le plus large échantillon de galaxies naines de très petite taille connues.

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Galaxy cluster MACSJ0717.5+3745 as seen by Hubble. Credit: NASA, ESA and the HST Frontier Fields team (STScI)

Mais la puissance d’Hubble n’a pas tout fait. Les chercheurs ont également exploité le phénomène cosmique des «lentilles gravitationnelles». Puisque l’espace est en expansion depuis le Big Bang, les objets les plus anciens sont les plus éloignés. Par conséquent, leur lumière est aussi très faible.

Les chercheurs se sont servis d’un amas de galaxies plus proche comme d’une loupe pour observer des galaxies plus anciennes et plus éloignées. De par sa masse, l’amas de galaxies peut courber l’espace-temps. Cela forme une lentille gravitationnelle qui peut amplifier la lumière provenant d’autres galaxies cachées loin derrière cet amas.

L’étude s’est basée sur les images de trois amas de galaxies prises dans le cadre du programme Champs Frontières de Hubble, un programme qui comprend 840 orbites sur trois ans et qui explore les régions les plus distances de l’espace à l’aide des effets de lentilles gravitationnelles autour de six amas de galaxies.

«Les amas de galaxies étudiés dans le cadre du programme Champs Frontières agissent comme de puissants télescopes naturels, et révèlent ces galaxies naines qui seraient autrement invisibles», explique Jean-Paul Kneib, l’un des auteurs de la recherche à l’EPFL.

Certaines des galaxies découvertes par les chercheurs se sont formées 600 millions d’années seulement après le Big Bang, d’après les calculs de distance de Daniel Schaerer, de l’Université de Genève. Cela fait d’elles certaines des plus faibles galaxies jamais observées par Hubble durant cette époque cosmique. Mais la lumière accumulée émise par ces très nombreuses galaxies naines pourrait avoir joué un rôle majeur dans la réionisation.

En observant le rayonnement ultraviolet des galaxies découvertes par cette recherche, les astronomes ont pu calculer si certaines d’entre elles étaient impliquées dans la réionisation de l’hydrogène. L’analyse des chercheurs a déterminé pour la première fois avec une bonne certitude que les galaxies les plus petites et les plus répandues de cette étude étaient en fait indispensables au processus de formation de l’univers. «Les galaxies brillantes et massives ne sont pas suffisantes pour expliquer la réionisation, souligne Hakim Atek. Nous devons prendre en compte l’apport d’un plus grand nombre de galaxies naines.»

Cette recherche met en évidence les possibilités impressionnantes du programme Champs Frontières. Les scientifiques travaillent actuellement sur les images de trois autres amas de galaxies prises par Hubble, et d’autres découvertes fascinantes sont attendues. «Hubble reste inégalé dans sa capacité à observer les galaxies les plus lointaines, et l’étendue des données de Champs Frontières garantit une compréhension très précise de l’effet loupe des amas de galaxie, permettant des découvertes comme celles-ci», indique Mathilde Jauzac, une chercheuse de l’équipe de l’Université de Durham et de l’Université de KwaZulu-Natal.

Cette étude a été réalisée en collaboration avec le Laboratoire d’astrophysique de l’EPFL, l’Observatoire de Lyon, l’Université de Durham, l’Université de KwaZulu-Natal, L’Université d’Aix-Marseille, L’Université de Yale, L’Observatoire de Genève et l’Université de Genève, l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie, l’Université d’Hawaï et l’Université d’Arizona. Ce projet a été soutenu par le Conseil européen de la recherche (« Light on the Dark » et CALENDS), le Leverhulme Trust, le Science and Technology Facilities Council, le National Science Foundation, le Space Telescope Science Institute, et le Centre national de la recherche scientifique. Le télescope spatiale Hubble est un projet de coopération internationale entre l’ESA et la NASA.

Ressources complémentaires

Contact IRAP

  • Daniel Schaerer, Daniel.SchaererSPAMFILTER@unige.ch

Auteur : [entrer nom prenom de l’auteur]

Date : 22/10/20152015/10/22

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